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La Première guerre mondiale : la mobilisation & la guerre de mouvement … (3ème partie)

La guerre ne pouvait être évitée. Lorsque l’Allemagne décide de contourner l’armée française en passant par le Luxembourg et la Belgique en ce début de mois d’août 1914, le message est clair et même si les autorités allemandes affirment mener des actions de défenses contre une probable attaque française sur son sol, personne n’est dupe. La Belgique, pays neutre, mobilise dès lors son armée et fait face avec honneur aux premières charges ennemies. La France et l’Angleterre, quant à elles mobilisent leur troupe pour tenter d’enrailler le plan imparable concocté par l’état-major allemand. Cette phase de la guerre, dite guerre de mouvement se déroulera jusqu’à la fin 1914, avant que ne débute la sanglante guerre des tranchées… (Lire la première partie de l’article ici, la seconde ici)

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comme en 14Une histoire de famille en plein cœur de la première guerre mondiale. La petite histoire livre des secrets sur la grande. L’image qui vient à l’esprit de beaucoup d’entre nous lorsqu’est évoquée la première guerre mondiale reste indéniablement celle de la guerre des tranchées. Dans de grandes saillies creusées par chaque camp dans une terre meuble sur des centaines de kilomètres s’agglomérèrent des soldats par centaines de milliers. Les conditions de vie dans ces lieux fermés sur eux-mêmes n’avaient rien d’enviable. Si bien qu’on en oublierait presque qu’en préambule aux tranchées une guerre de mouvement eu lieu et que la Belgique, pays pourtant neutre, paya un lourd tribut à la folie des hommes. Lorsque la Belgique refuse l’ultimatum allemand qui demandait un passage de ses troupes pour contourner l’armée française elle accepte d’en découdre avec honneur malgré des troupes bien inférieures en nombre et en artillerie lourde. Liège n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres d’Aix-la-Chapelle, elle est donc la première visée par l’invasion allemande.

Dans le fort d’Embourg la situation est critique, les obus allemands s’abattent sans discontinuer jour et nuit. Pas très loin de là le fort de Chaudfontaine se trouve détruit par l’ennemi. Le commandant du petit fort d’Embourg demande alors à deux soldats de tenter d’aviser le commandement général basé à Liège de la situation. Opération suicide ? C’est de cette manière que le conçoivent les deux désignés d’office. Il faut dire que le commandant en second Richard Warister de Longlois n’avait pas spécialement d’affinités avec les deux bougres ouvriers « agitateurs » dans le civil. Pure vengeance de l’officier en charge du fort d’Embourg ? Deux ans et demi plus tard, Firmin, le cadet de la famille, va partir à la recherche de celui qui a envoyé ses deux frères à la mort. Sa mère et sa sœur vont tenter de marcher sur ses pas pour éviter qu’il n’embrasse le même destin que ses deux ainés…

De cette histoire familiale tragique, Philippe Brau et George Van Linthout, tirent une matière construite à partir d’un fonds historique précis. Même si l’histoire et le vérisme n’est pas le but de ce récit qui tire sa sève de l’analyse des rapports humains, les deux auteurs donnent à voir quelques passages qui ont animés l’histoire de la Belgique durant le premier conflit mondial. L’histoire des forts de Liège, le récit des remorqueurs Atlas et Anna, moments de bravoure d’hommes isolés prêt à risquer leur vie pour en sauver d’autres, sont de vrais « faits divers » de cette guerre. Ils densifient la portée symbolique de cette histoire humaine dans laquelle on découvre que l’homme peut encore nous surprendre. Enfin les deux auteurs mettent face à face les protagonistes de la lutte des classes. La famille Warister possédait des mines de charbon dans lesquelles les droits des gueules noires, dont faisait partie les deux « sacrifiés », n’étaient pas forcément la priorité de la maison. Sans compter sur cette farouche opposition au suffrage universel contre-nature demandé corps et bien par ceux qui triment pour survivre dans un monde qui se fait de plus en plus hostile…

Philippe Brau et George Van Linthout – Comme en 14 – Des ronds dans l’O – 2014 – 18 euros

 

NieuportLa ligne de tranchées s’étendait de la mer du nord à la Suisse. Dans ces sillons creusés en parallèle les armées françaises et leurs alliés et les armées allemandes s’affrontaient à coup d’obus, de grenades, de virées suicidaires dans cet entre-deux qui séparait les deux camps. Dans les zones où les combats furent les plus féroces des centaines, des milliers de corps étaient évacués chaque jour hors du front. Mais avant que ce front ne se stabilise, que les deux camps se cachent dans les tranchées supposées les protéger des assauts et des tirs ennemis, la guerre de mouvement à fait rage jusqu’aux abords de la mer du nord, plus précisément aux portes de Nieuport, lors de la bataille de l’Yser. Le 29 octobre 1914 la décision est prise d’ouvrir les écluses pour inonder les polders dans lesquels l’armée allemande avait réussi à  pénétrer. L’opération est un succès et pour éviter de s’embourber avec leurs pièces d’artillerie, les unités de Guillaume II décident un repli. L’Allemagne n’aura pas pu avoir l’accès espéré à la mer. Le front de tranchées se fige dès lors sur les positions obtenues après ce que les historiens ont appelé la première bataille de Flandres.

Trois soldats se retrouvent à Nieuport le 31 octobre pour une soirée de pause après les rudes combats. Un Belge, Raoul Snoeck, un Français, Jean-Marie De Blic et un Anglais, Thomas Ernest Hulme. Ils se promettent de se retrouver au lieu de la Patte d’Oie dix ans plus tard, en 1924 pour se remémorer les évènements passés tout en espérant avoir survécu à la guerre.

Ivan Petrus dans Les retrouvailles de Nieuport livre un récit poignant tiré de la vie réelle de quatre soldats ayant pris part à la bataille de l’Yser. Le quatrième, George Sheldon, un jeune soldat britannique qui rencontra Thomas Ernest Hulme lors des combats qui suivirent la rencontre amicale des trois soldats, sera le témoin des rencontres à venir. Sauf qu’aucun des trois amis ne reviendront à Nieuport le 1er novembre de l’année 1924, ni plus tard en 1934, 1954, et les décennies suivantes. Le jeune homme reviendra quant à lui sur les lieux, pour honorer la mémoire des trois soldats qui ont perdu leur vie lors des combats de la guerre de position. Le dessinateur, qui repose son récit sur une documentation fournie, propose de parcourir Nieuport alors presqu’entièrement détruite par les tirs d’artillerie allemand. Il décrit aussi les combats qui se déroulèrent dans cette zone si particulière entre mer et polders inondés dans laquelle les troupes allemandes avaient placé des soldats isolés dans des fermes abandonnées pour cueillir les soldats alliés aventureux comme le fut Jean-Marie De Blic. Un album qui s’achève par un épais carnet documentaire qui confronte la fiction et l’histoire. Un précieux document.

Ivan Petrus – Les retrouvailles de Nieuport – Lannoo – 2011 – 19,99 euros

 

La Grande GuerreLa Grande guerre fut la première à se dérouler sur plusieurs fronts avec autant de mobilisation humaine. Concrètement la Triple entente (France, Royaume-Uni et Russie) composait un bloc face à la Triple Alliance composée de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie et de l’Italie. L’Italie, qui n’accepta pas l’invasion allemande en Belgique, alors pays neutre, se retira de l’Alliance pour finalement entrer en guerre contre l’Allemagne à partir d’avril 1915. Plusieurs fronts devaient se former dès l’automne 1914. Celui de l’ouest qui devait se figer de la mer du nord à la Suisse devait opposer les troupes allemandes aux alliés. Mais un front se forma assez vite en Orient lorsque l’Empire ottoman, affaibli par sa guerre dans les Balkans, devait rejoindre l’Allemagne en octobre 1914. Un front à l’Est, opposa l’Alliance à la Russie. Un front se développa enfin en Afrique au sein des colonies conquises par les puissances occidentales quelques années auparavant. Une guerre plurielle donc, dont les enjeux et le déroulement restent opaques pour la plupart d’entre nous.

Avec La Grande guerre… de Sarajevo à Verdun, Philippe Glogowski présente dans un album à portée pédagogique la plupart des faits qui se déroulèrent de 1914 à 1916. Des origines du conflit en passant par les premiers mouvements, le dessinateur décortique avec précision l’ensemble des grands faits de guerre qui se déroulèrent sur l’ensemble des fronts. D’un point de vue historique, cette vulgarisation en image a le mérite de poser le contexte et de donner une dimension à un conflit qui nous échappe. Au fil de la lecture de cet album de 44 planches, nous nous trouvons immergés dans un conflit sanglant qui livre la plupart de ses secrets. Si les pavés narratifs se font parfois très présents, ils ne nuisent pas pour autant à la fluidité de la lecture. Une très bonne introduction à la guerre de 14/18 pour en comprendre les enjeux et les luttes d’influences.

Philippe Glogowski –  La Grande guerre… de Sarajevo à Verdun – Editions du Triomphe – 2013 (rééd.) – 14, 70 euros

Et aussi…

Cv GG1 (Page 1)Chez le même éditeur, Guillaume Berteloot et Patrick Deschamps nous proposent de revivre la bataille de la Marne, un moment de la guerre que les deux auteurs placent de la fin du mois d’août, alors que les armées françaises reculent sur les frontières de l’Est, jusqu’à la réponse française de septembre 1914 qui devait lors d’une bataille entamée sur l’Ourcq, conduire l’armée allemande à une retraite de plusieurs dizaine de kilomètres vers l’Oise. Ce récit qui embrasse une période relativement courte de la Grande guerre, est repris dans ses moindres mouvements. Le lecteur se trouve donc immergé au cœur d’une bataille devenue célèbre pour les taxis qui acheminèrent quelques milliers de troupes en renfort. Le mérite de cet album est de proposer une autre lecture que la lecture officielle des évènements. En effet pour la plupart des historiens, la bataille de la Marne reste ce combat féroce qui opposa les armées françaises et allemandes du 5 au 12 septembre 1914. Pour Guillaume Berteloot et Patrick Deschamps, la bataille de la Marne fait partie d’un grand mouvement initié depuis la retraite française des frontières. Les évènements ici racontés par un grand-père à son petit-fils, sont replacés dans un contexte global au travers des hommes qui les ont initiés, modifiés, subis ou provoqués dans une perspective moins réductrice que celle que l’histoire a bien voulu conserver. Un bel ouvrage pour les jeunes passionnés d’histoire.

Guillaume Berteloot et Patrick Deschamps – La bataille de la Marne – Editions du Triomphe – 2013 – 14, 70 euros

14-18Lorsque l’annonce de la mobilisation arrive jusque dans les villages les plus reculés, la surprise s’affiche dans les regards et les traits tirés de tous. Car aussi bien les hommes et les femmes s’attendaient à ce que la guerre surviennent, autant ils n’envisageaient pas qu’elle puisse se déclencher si tôt, et d’autant plus en ce milieu d’été où le travail des champs accapare une partie des esprits des ouvriers de la terre, tandis que l’autre partie s’accorde quelques moments de décompression glanés dans les animations festives proposées çà et là dans le canton.

Ils sont huit qui se connaissent depuis toujours ou presque, appelés pour défendre la nation dans une guerre dont les enjeux les dépasse. Valides, ayant accomplis leur service militaire, ils n’en demeurent pas moins des hommes ordinaires qui vont se trouver plongés dans une guerre démesurée, trop lourde pour eux qui n’ont jamais combattus ou tué « pour de vrai », trop floue pour permettre d’en distinguer les dangers et l’impasse certaine. Ils profiteront des derniers instants pour régler quelques affaires courantes, dire au revoir à leur proche, faire l’amour à leur femme avec plus d’entrain qu’à l’accoutumé, briser, durant les quelques heures qui les séparent du départ du train qui les mènera à leur garnison, leurs habitudes routinières sachant qu’ensuite le vide deviendra abyssal et que le doute  pèsera sur leurs estomacs tout autant que leurs pacos sur leurs épaules. Alors ils savourent la liberté du moment, une chère liberté que vient briser le rappel de la gare. Les hommes réunis s’apprêtent à vivre une expérience dont ils ne pourront revenir indemnes. A supposer qu’ils puissent revenir de la grande boucherie à venir…

En cette année de commémoration du centenaire de la Grande guerre les Editions Delcourt lancent 14/18, une série prévue en dix tomes reprenant des moments de vie de huit soldats de ce conflit jusqu’à l’armistice. Corbeyran au scénario assure le tempo. Dans ce premier tome il s’attache à donner corps aux hommes, tissent leur désarroi du moment, leur peur, leur incompréhension de ce qui se joue. Le premier contact avec les Allemands arrivera bien tôt et la faucheuse emportera avec elle les malheureux placés fièrement en tête de cortège. Pour les autres le temps possède dès lors une autre valeur, comme s’il devenait tout à coup volatile et ceux qui n’en mesuraient pas la fragilité paraissent y porter soudainement un regard  bien plus respectueux. Ce premier opus pose donc le cadre. La première escarmouche elle, donne le ton, pour le reste on devine déjà la portée du message à venir au travers de quelques pavés narratifs incisifs qui s’accordent bien avec la boucherie à venir. La grande force de ce projet réside dans la capacité de son auteur à capter ces moments insignifiants pour la plupart d’entre nous dans lesquels pourtant beaucoup se joue déjà. Une fois tournée la dernière planche, on se demande ce qu’il adviendra des huit tranches de vie que l’on vient de parcourir, signe que l’addiction n’est pas loin…

Corbeyran/Le Roux – 14/18 : Le petit soldat – Delcourt – 2014 – 14, 50 euros

 

Les albums Aio Zitelli ! (Albiana), Mattéo T1 & 2 (Futuropolis), Carnets 14/18, C’était la guerre de tranchées (Casterman), Putain de guerre (Casterman) et La faute au midi (Grand Angle) qui embrassent des sujets ou des périodes plus étendues seront abordés lors de notre article de synthèse de la Première Guerre Mondiale.


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