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Le Coin du Polar: Ma part d’ombre de James Ellroy

Parmi les grands auteurs de polars américains, il en est un, et pas des moindres, dont je n’ai encore chroniqué aucun roman dans cette rubrique.

James Ellroy est le pape du roman noir américain, LA figure emblématique du genre, auteur de plusieurs chefs d’œuvre (pour ne citer que quelques exemples : les romans constituant la trilogie Lloyd Hopkins ou le Quatuor de Los Angeles, ce dernier incluant son livre le plus connu : Le Dalhia noir )

Pour réparer cette injustice donc, voici Ma part d’ombre, récit autobiographique d’Ellroy publié en 1996, et qui apporte un éclairage particulièrement intéressant sur son œuvre.

L’histoire de Ma part d’ombre peut se résumer en quelques lignes : il s’agit du récit de l’enquête policière qui a suivi l’assassinat non élucidé, en 1958 à Los Angeles, de Jean Ellroy (la mère de l’auteur), des répercussions que son meurtre a eu sur son fils, puis de l’enquête menée par l’auteur trente six ans plus tard, avec l’aide d’un policier à la retraite, pour tenter de trouver son assassin.
James Ellroy avait 10 ans quand sa mère fut assassinée, et comme on peut le deviner sa vie en a été à jamais bouleversée.
Pour ceux qui connaissent son œuvre, elle se déroule essentiellement (exception faite de la trilogie Underworld USA) dans le Los Angeles des années 40 et 50, et est habitée par des femmes mortes et des hommes mauvais.
Ce n’est pas un hasard si le Dahlia Noir, son roman le plus célèbre, traite du meurtre, très médiatisé à l’époque, d’une femme à Los Angeles.
Ma part d’ombre, qui est divisé en 4 parties, fut pour Ellroy un exutoire, une façon de se rappeler sa mère et de se rapprocher d’elle.


La première partie du roman, intitulée La Rouquine est une reconstitution méticuleuse de l’enquête policière de l’époque sur la mort de sa mère.
Il s’agit d’un document très intéressant, d’une description froide et clinique du travail policier et des faits connus sur ce meurtre. Ellroy les décrit comme si ces faits pour lui ne représentaient rien, de façon journalistique.

La seconde partie du roman, à mon sens la plus intéressante, s’intitule Le Môme sur la photo.
Dans cette partie, écrite à la première personne, on découvre la vie de l’auteur, à partir du meurtre de sa mère jusqu’à ces débuts d’écrivain vers la trentaine.
On y découvre l’obsession du crime que cet événement sordide lui a légué, obsession qui fera de lui des années plus tard l’un des plus grands romanciers américains.
Ellroy se livre sans complaisance envers lui même, sans auto-apitoiement, avec même une véritable férocité. Sa relation malsaine avec son père, son obsession donc du crime et particulièrement des femmes mortes, tout y passe. Grand consommateur de romans policiers, Ellroy a vécu une jeunesse pour le moins chaotique, à faire passer Charles Bukowski pour un enfant de cœur.
Voleur, voyeur, obsédé sexuel, effectuant même quelques séjours en prison, alcoolique, toxicomane, il manqua même de perdre l’esprit.
Bref, rien de très reluisant, mais terriblement humain, et qui permet de jeter un éclairage nouveau sur son œuvre et sa personnalité (pour ceux qui veulent aller plus loin, vous pouvez lire quelques interviews d’Ellroy, vous ne serez pas déçus, il s’agit d’un véritable phénomène)

La troisième partie : Stoner , nous décrit la carrière et la vie de Bill Stoner, le flic à la retraite qu’Ellroy va engager trente six ans plus tard pour l’aider à enquêter. Il s’agit d’un beau portrait de flic, d’un aperçu de plusieurs années d’histoires criminelles à travers les  yeux d’un représentant de la loi, et l’on sent poindre l’amitié qui s’est nouée entre les deux hommes.

La quatrième partie Geneva Hilliker retrace l’enquête effectuée par les deux hommes. C’est un document saisissant, dans lequel on se rend compte de toute la difficulté des enquêtes policières concernant des crimes violents, particulièrement lorsqu’il s’agit de « cold cases ».
Au delà de l’aspect purement investigation, l’intérêt de cette partie réside dans le fait que l’enquête est menée par le fils de la victime. A travers cette enquête, Ellroy se rapproche de sa mère, la redécouvre, apprend à la connaître.

Ma Part d’ombre est un livre extrêmement bien écrit, une magnifique quête de l’auteur sur les traces de sa mère, en même temps qu’un document policier passionnant.
Ce qui pourrait n’être qu’un simple fait divers, une histoire criminelle comme la cité des anges en a vu et en verra des milliers devient sous la plume d’Ellroy, avec le talent qui est le sien et sa proximité au dossier, une tragédie moderne qui permet de voir son œuvre sous un nouvel angle.


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