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Les BDs du jour : Le magicien de Whitechapel, Ladyboy vs Yakuzas & Tin Lizzie

Trois BDs du jour en cette fin de semaine et non des moindres. Dans Le Magicien de Whitechapel, Benn, le père de Mic Mac Adam nous livre un récit d’une grande expressivité prenant place dans le Londres victorien qu’il aime à explorer. Changement de registre radical avec Ladyboy vs yakuzas, manga déjanté, oscillant entre grande farce et génie pur dans lequel son auteur nous livre le premier volet des aventures d’un homme de main de la pègre qui doit faire face à son nouveau corps de bimbo (l’homme à la virilité débordante a été transformé en femme) affolant les corps de 100 pervers placés sur une île perdue et qui ne rêve que d’une chose : humer le corps de la belle avant de le parcourir de long en large. Tin Lizzie se place à la frontière des deux. Il garde du premier une émotion pure face aux souvenirs d’un riche passé et la légèreté du second qui fait de lui un récit tout public véritablement attractif. Trois lectures pour combler votre week-end !

Le Magicien de Whitechapel1 

Magicien de Whitechapel

Le Magicien de Whitechapel de Benn – Dargaud (2015)

Londres dans les dernières années qui la rapprochent de ce vingtième siècle qui attise les craintes. Jerrold Piccobello se présente à une audition afin d’être engagé comme artiste dans une revue du Piccadilly Circus, malgré un talent incontestable l’homme n’est pas retenu et quitte les lieux. Il déambule alors dans les rues de la capitale et ses pas le mène presque malgré lui vers les lieux d’un passé déjà lointain, dans les années d’une enfance alors compliquée. Sa mère est morte en mettant au monde sa sœur Dazy alors qu’il n’a que trois ans. Son père, tricheur aux dés, se fera prendre en flagrant délit par un homme de la pègre londonienne qui le fera occire. Jerrold et sa sœur Dazy seront recueillis et élevé dès lors par une famille qui réside dans la conciergerie d’un immense théâtre à succès. Un théâtre dans lequel se produit notamment le grand magicien Virgill Webb qui renforcera le désir de Jerrold de devenir lui aussi un faiseur de tours. Dans ce Londres devenu miséreux et dangereux notre homme déambulera dans les rues pour oublier le présent il se rattachera bien malgré lui au passé : C’est curieux. Lorsqu’on erre sans but précis en ressassant les souvenirs de notre existence, nos pas nous ramènent souvent sur les lieux de notre passé. Un passé éclairé et plein de promesses qui contraste avec l’homme qu’il est devenu…
Le récit se pose sur cette période de la fin du XIXème siècle dans laquelle le spleen se fait l’expression d’un romantisme de survivance, car c’est ailleurs, dans les tensions qui touchent les classes les plus pauvres, dans cette industrialisation galopante et la transformation architecturale de Londres que germent les angoisses, la résignation et les crises existentielles qui modifieront durablement les liens qui unissent les hommes. Benn donne à voir cela dans cette partie du Londres suranné qui vivote à l’écart des grands chamboulements opérés depuis les années 1860. Le théâtre dans lequel Jerrold Piccobello se rend bien des années après y avoir vécu et avant qu’il n’accomplisse le grand voyage qui lui fera traverser le monde, n’est plus que ruines. Des ruines qui cachent encore les fantômes du passé et dans lequel sont enfouis bien des souvenirs qui ne demandent qu’à resurgir. Dans ce lieu désaffecté qui laisse entrevoir la démesure d’une époque révolue, notre héros se livrera à une véritable introspection, et, au milieu des ruines, des tapisseries arrachées, des lustres rampants sur un sol chargé de gravats et d’une poussière accumulée au fil des ans, fera une rencontre qui changera le reste de vie qui s’attache encore à lui. Sur le plan graphique le trait de Benn n’a peut-être jamais été aussi expressif, élancé et fragile pour accompagner le sort d’un héros un brin désabusé dans une époque qui l’est tout autant. Il donne à voir une époque et un personnage d’entre-deux tout à la fois ancrés dans le passé mais soucieux de rattraper la marche qui file vers une contemporanéité pas encore maitrisée. Ce premier tome du Magicien de Whitechapel pose donc un cadre, une ambiance, un tempo que la suite devrait bousculer, comme l’annonce une fin surprenante et pleine de promesses. C’est magique, attirant et subtilement mené par un auteur au sommet de son art…

Benn – Le Magicien de Whitechapel – Dargaud – 2015 – 15,99 euros

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Ladyboy vs Yakuzas de Sakurai – Akata (2015)

Kôzô Kamashima aurait dû savoir en quoi s’en tenir. Lorsqu’on navigue dans cette pègre sans état âme, celle capable de tuer un homme pour le simple plaisir d’assouvir un désir fugace ou d’affirmer clairement son rang, il faut assurer ses arrières, faute de quoi la chute pourrait s’avérer brutale… D’autant plus si l’on considère la faiblesse du yakuza pour le beau sexe. Notre jeune homme emporter par ses pulsions a commis l’irréparable : coucher avec la femme du patron, plantureuse à souhait et dotée d’arguments notoires, et sa fille, jeune, tendre dont l’envie de découvrir la vie et de s’acoquiner avec un homme charmant à la virilité affirmée, n’a d’égal que le régal de la mère à jouir de la vie et de son corps. Tout aurait pu très bien se passer. Personne n’aurait pu jamais avoir connaissance de ces aventures d’un (ou deux) soir. Oui mais voilà le big boss a placé des caméras un peu partout dans sa résidence, histoire de comprendre en partie les raisons qui pousse sa femme à le repousser sans cesse. Le résultat des vidéos collectées, digne des meilleurs films pour adultes à fait rugir le patron d’une fureur sans pareille. Kôzô sera capturé, et, une fois endormi, se verra allégé des parties les plus intimes de son anatomie pour se voir doté du corps d’une femme pulpeuse à souhait capable de renverser les tables. Pour tout dire le choix de la transsexualité n’était pas le souhait premier du jeune yakuza… Lâché sur une île du Pacifique occupée par les cent plus grands pervers que le Japon puisse connaitre, Kôzô devra tenter de préserver son corps de pulsions malsaines. Surtout que le patron à cornes a lancé un défi de taille à nos cents pervers : celui qui réussira à coucher avec la belle se verra libéré. De quoi motiver les troupes en slip lancées sur une plage de sable fin à la poursuite d’une belle pouliche à forte poitrine qui arbore un magnifique short en jean ultra moulant. Sans être bookmakeur, la côte de la belle frôle des sommets… Et pourtant…
Que penser de Ladyboy vs Yakuzas, l’île du désespoir ? A vrai dire l’annonce de parution de ce titre chez Akata pouvait laisser planer pas mal de doutes. Doutes quant au sérieux de l’annonce elle-même, quant à la possibilité qu’un récit au synopsis aussi fin puisse accoucher d’une série, et doutes quant à la possibilité pour un mangaka de proposer un récit aussi déluré, peut-être l’un des plus déluré de ces dernières années. Au final Sakurai, c’est le nom du monsieur à l’origine du projet, livre un manga certes atypique, doté d’un humour particulier et d’une finalité suspecte mais qui, à sa lecture se révèle savoureux. Si mauvais goût il y a, il est pleinement assumé, et à vrai dire, si la lecture des premières pages se fait uniquement par pure curiosité pour savoir jusqu’où l’auteur peu aller, au fil du récit, le lecteur que nous sommes voit l’envie d’en savoir plus le titiller. D’abord pour la grivoiserie du propos, puis pour s’assurer du sort du malheureux yakuza. Bref une lecture pas classique qui demande une bonne dose d’indulgence mais qui attire pour des raisons clairement obscures. L’un des pitch les plus surprenants de ce début d’année, entre farce grossière, humour détonant, mauvais goût notoire et génie jubilatoire.

Sakurai – Ladyboy vs Yakuzas, l’île du désespoir  – Akata – 2015 – 7,95 euros

Tin Lizzie

Tin Lizzie de Chaffoin et Monféry – Paquet (2015)

La bourgade rurale de Ponchatowla s’apprête à vivre un petit événement. Et pour cause, le train qui siffle à l’approche de sa gare contient dans l’un de ses wagons une caisse en bois qui cache rien d’autre qu’un modèle d’automobile que l’on ne voit guère que dans les grandes villes du nord du pays. Nous sommes en 1908 et, jusqu’à ce qu’un certain Henry Ford s’y préoccupe, la production de voitures restait confidentielle. Mais sous son impulsion et reprenant à sa charge les conseils de l’économiste Taylor, la Ford T, dont les premiers modèles sortent des usines en cette même année 1908, se voit produite en des quantités jamais vues jusqu’alors, ce qui la rend du même coup accessible à un public plus large même si encore relativement aisé. Ponchatowla possède sa riche famille, celle d’un colonel à la retraite qui s’est reconverti dans l’exploitation agricole. C’est en partie parce qu’il souhaite développer son domaine et en faciliter le travail agricole, notamment les labours, effectués d’habitude par des chevaux de trait, que l’homme a décidé de se porter acquéreur d’un modèle T. Son idée est simple et fait de lui un précurseur dans la région : utiliser la force motrice de la Tin Lizzie (nom donné au modèle T) pour faciliter et développer les rendements de ses terres. Le colonel Lebey confie alors à Rhod, son régisseur, le soin d’opérer la transformation de la belle selon des plans bien précis qu’il a élaborés. Pour Rhod, cette transformation s’apparente purement et simplement à un sacrilège mais il doit à contre cœur s’exécuter. A cette période de l’année et depuis des lustres le Colonel et sa femme se rendent à la foire agricole de Saint-Rochelle. Ils demanderont à Rhod, avant que la Tin Lizzie ne soit démontée, qu’il les conduise à la gare où le train doit bientôt passer. Jake le petit-fils du Colonel sera du voyage vers le centre de Ponchatowla. Sur le chemin du retour Rhod propose à Jake de profiter de l’éloignement de ses grands-parents pour voir du pays pour une dernière fois à bord de la belle automobile…  
La collection Calandre de l’éditeur Paquet nous livre avec Tin Lizzie l’un de ses meilleurs récits. D’abord en raison de la poésie qui s’en dégage, par cette aventure secrète à l’air potache à partir de laquelle Jake découvrira ce que peut lui réserver sa vie à venir s’il accepte de ne pas s’enfermer dans l’exploitation chronophage des terres agricole qu’il recevra un jour en héritage. Ensuite par l’humour,  la bonne humeur et la déraison qui se détache de chaque planche et donnent au récit des couleurs chaudes où l’aventure nait de tous petits riens. Thierry Chaffoin et Dominique Monféry qui viennent de l’animation gardent avec eux ce sens de la mise en forme. Ils parviennent avec une économie de moyens à offrir un récit atmosphérique dans lequel le lecteur se trouve happé. Sur le plan graphique le trait de Monféry se fait expressif à souhait, parvenant à rendre compte du climat ambiant en quelques détails affichés sur des gueules typées qu’il triture et exploite à son maximum. La Ford T, Tin Lizzie, devient dans les mains des deux auteurs un personnage à part entière. Pas seulement une voiture, mais une échappatoire, un moyen de procurer un bonheur simple aux protagonistes de cette histoires et aux lecteurs émerveillés aux yeux bien ronds.

Chaffoin/Monféry – Tin Lizzie T1 : La belle de Ponchatowla – Paquet – 2015 – 13,50 euros

 


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