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La BD du jour : La Horde du contrevent d’Eric Henninot (Delcourt)

Ils sont vingt-trois à composer cette trente-quatrième horde, sûrement la dernière, à partir depuis les terres reculées de l’Aval, à Aberlaas pour tenter de gagner l’Extrême-Amont. Pour comprendre le déchaînement du vent qui râpe les sols et obligent les hommes à vivre reclus. Roman mythique d’Alain Damasio, La Horde du contrevent se voit adapté dans un projet hyper ambitieux par le trait subtil d’un Eric Henninot au sommet de son art.

Ils sont jeunes et s’entrainent sans relâche pour être prêts à partir vers l’Extrême-Amont. Pour qu’ensembles ils composent un tout inébranlable. Golgoth, le meneur assure la prise au vent, sa carrure le lui permet tandis que sa croyance semble inextinguible. Les autres possèdent un rôle essentiel à la vie en groupe, Sov est la mémoire du groupe. Dans un cahier il note tout ce qu’il observe pour servir à d’hypothétiques autres aventuriers du vent. Oroshi, elle, est aéromaitre, elle comprend et analyse les vents pour rendre plus facile l’avancée. Pietro, lui, possède la stature du Prince, du guide dans ces contrées balayées par la stridence des courants coupants qui fouettent les visages et blessent les esprits. Il sera celui qui assure la liaison entre tous dans les pires moments. Les frères Dubka, eux, protègent les ailes, tandis que la troupe compte un géomètre, une soigneuse, une troubadour, un braconnier du ciel, et d’autres encore aux fonctions indispensables pour la bonne tenue de la horde qui avance frontalement contre les éléments. Parviendront-ils à gagner l’Extrême-Amont, là où, peut-être se cache la clef pour enfin domestiquer les vents ?

La Horde du contrevent s’est imposé lors de sa sortie comme le roman de fantasy le plus novateur de sa génération. D’abord car son auteur, Alain Damasio, donnait la parole, chose incroyable, à vingt-trois héros, chacun permettant de sculpter l’épopée de cette horde marchant depuis des années en lutte contre tous les éléments, dont le vent, composante essentielle et asservissante d’un monde constamment contraint devenait un personnage à part entière, vers un lieu énigmatique jamais atteint par le passé, la source de tous les vents et peut-être de toutes les espérances. Ensuite car le monde dépeint, dans toute sa dureté, sa rugosité, avec ses paysages façonnés au vent, lisses et impalpables, possédait un attrait presque indéfinissable, qu’une horde, dans sa quête improbable, rendait d’une incroyable poésie. Une poésie que soutenait un texte d’une vénusté enveloppante construit sur une fluidité et un rythme saisissant. Adapter le roman en bande dessinée aurait pu paraître prétentieux à plus d’un titre. Tout d’abord car il fallait par les images rendre compte de ce que les mots semblaient seuls capables de transcrire en émotion, ensuite car il fallait oser composer avec une horde qui n’est qu’une que par l’addition de toutes ses composantes, enfin car la poésie des mots devait trouver un écho au moins aussi séduisant dans des paysages à sculpter et à orner. Eric Henninot s’y est attelé sur plusieurs années, en écrivant et réécrivant son découpage pour nous donner à voir une première partie d’une rare maitrise, tout à la fois respectueuse du roman mais entièrement repensée pour le neuvième art. Ses personnages deviennent ainsi très vite attachants par la quête inaccessible et désespérée qu’ils accomplissent avec une volonté et une conviction peu mise en doute, Sov, le scribe, Golgoth, le traceur, Oroshi Melicerte, l’aéromaître, Pietro, le prince prennent vie avec toute leur complexité, leur force de caractère et leur foi inébranlable.

Eric Henninot nous immerge au cœur de la Horde, en mettant en avant les doutes et les espoirs de chacun, les moments de pure émotion, les craintes, cette envie d’avancer inébranlable et cette inconnue face à ce qui se cache tout au bout du chemin, en Extrême-Amont. Le dessinateur, pour la première fois auteur complet, réalise un récit puissant d’une richesse graphique saisissante. Son traitement du vent, l’oblige à accentuer les gestuelles, à déformer les corps qui offrent autant de prises au vent, tout comme il s’attache à donner une voix, des voix aux vents, pluriels et inquiétants. Tant que la Horde avance la vie est là, fragile mais tenace, habitée par une puissance intrinsèque capable de démultiplier les forces individuelles. Eric Henninot offre avec cette adaptation sa vision d’une œuvre culte avec des choix bien senti dont celui de faire porter le récit sur Sov, le scribe, porteur d’une poésie et d’un regard particulier sur cette quête improbable. Un album qui donne l’envie indéniable de se replonger dans les écrits de Damasio, signe que la magie opère !

Eric Henninot – La Horde du contrevent – Delcourt


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