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Focus “Récits de voyage et pays lointains” : L’Afrique plurielle (2ème partie)

Bienvenue en Afrique ! Sitôt passés les derniers remous méditerranéens qui nous mènent sur le sol Algérien nous débarquons sur un sol chargé d’histoire. Une histoire parfois douloureuse, témoignage d’un temps révolu où les hommes s’arrogeaient le droit de porter la civilisation au-delà de ses frontières, gommant les particularismes et faisant fi du riche patrimoine local. Après avoir débarqué en Algérie sur les pas de Joël Alessandra et être descendu plus au sud vers le Sénégal, nous entrons plus pleinement dans cette Afrique noire à la nature sauvage et (encore) préservée. Du Bénin nous nous rendrons au Congo Brazzaville et sur les bordures du lac Tanganyika qui offre une pluralité de cultures et de contextes. Des paysages  à parcourir avec respect…

Tanganyika

Des Gorilles et des hommes de A. Dan – La Boite à Bulles

De Saint-Malo à Mbomo. Le parcours du dessinateur A. Dan. Au départ il y a cette envie de se fondre dans un environnement qui n’est pas le sien, d’observer, de restituer ce qu’il voit. Un défi de chaque jour. Il suivra de près la chercheuse Céline Genton qui dresse des fiches précises sur un groupe de primates au Congo Brazzaville.  La jeune femme, dans sa mission est entourée de toute une équipée dont les rôles, définis à l’avance, s’avèrent souvent indispensables et cruciaux. On retrouve Dominique, Pascaline et Nelly de l’équipe de recherches, Guy, Mathieu, Handa, Pascal, David, Tite, Guillaume, Marcelin, Davy et Constant, les éco-moniteurs qui sur place se révèlent une aide précieuse dans la mise en place de toute la logistique et la sécurité physique et sanitaire attachée à ce type de mission. Dans cette nature sauvage, loin du confort d’un atelier, A. Dan se place en observateur et restitue ce qu’il voit… en toute modestie.
L’idée de cet album est née un soir de festival à St-Malo. A. Dan voulait depuis longtemps suivre un scientifique dans ses recherches de terrain. L’ami qui l’héberge durant la manifestation, lui-même scientifique, connait les sujets d’études développés dans les instituts qui fleurissent ici ou là en Bretagne et aiguille le dessinateur vers un « modèle » qui pourrait convenir à son projet. Il s’agit de Céline Genton, une scientifique primatologue qui suit les grands singes menacés d’extinction en raison du braconnage ou des maladies redoutables qui se développent telles Ebola. Régulièrement la scientifique séjourne au Congo Brazzaville pour, durant un mois entier, effectuer des prélèvements, observer les comportements, recenser les populations de singes afin de pouvoir dresser des comparatifs, définir si un danger menace les groupes suivis depuis plusieurs années déjà. Pour le dessinateur le sujet dépasse toutes les espérances, car il suppose de suivre l’équipe de scientifiques au plus près de leur travail de terrain en Afrique dans le Parc National d’Odzala-Kokoua situé au Nord-Ouest du pays près des frontières gabonaises et camerounaises. D’un point de vue formel, A Dan, avec une rigueur quasi-scientifique dessine avec réalisme ce qu’il voit. De ce ciel étoilé aperçu à Mbomo, en passant par ces zones forestières denses qui offrent une palette de verts d’une rare richesse, ou encore bien sûr le rendu de toute la faune que le dessinateur est amené à rencontrer au cours de son séjour. A. Dan prend des notes précises noirci des cahiers pour restituer avec un luxe de détails les étapes du travail des scientifiques. Il dresse le portrait des uns et des autres pour cerner le rôle de chacun, des scientifiques en passant par les éco-moniteurs et toute l’équipe qui veille chaque jour à rendre possible ces séjours prolongés dans un éco-système fragile avec lequel il faut composer au jour le jour. L’album offre donc, au-delà du carnet de voyage construit simplement sur le sensible (ce que voit et ressent le voyageur), un ouvrage documenté qui retrace les étapes du voyage, la logistique à prendre en compte, les moments d’attente parfois très longs au cours desquels il ne faut pas perdre espoir de pouvoir collecter les informations qui seront ensuite traitées en France. Les textes sont complets et rigoureux sans se faire pesants. Les dessins à l’aquarelle donnent à voir un florilège de couleurs tandis que les croquis au crayon dépeignent la tension du moment qui se lit sur les facies des gorilles. Des photos agrémentent l’ouvrage et complètent ce carnet de voyage superbement construit par un A. Dan que l’on découvre sur un autre registre. Superbe !   

 A. Dan – Des gorilles et des hommes – La Boîte à bulles – 2015 – 23 euros

L’Afrique en partage – Collectif – Edition Dapper – 2014

L’Afrique, cette terre plurielle, s’est construite sur un riche passé et une culture qui a, depuis des temps immémoriaux, brassé tout une mythologie faite de légendes et de récits fondateurs. Parfois celle-ci se trouve empreinte d’une morale censée initier les plus jeunes au respect de certaines valeurs et aux dangers qui se nichent dans des quotidiens pas toujours faciles. La modernité se construit ainsi sur un terreau fertile qui trouve toute sa portée dans le brassage de récits colportés par des griots, des romanciers inspirés et, pourquoi pas, des auteurs de bande dessinée qui offrent, en plus du texte, images et contextualisations.
A l’initiative des Editions Dapper Christophe Cassiau-Haurie rassemble les récits de cinq auteurs qui représentent toute la vitalité du neuvième art vu depuis l’Afrique moderne. Des récits qui questionne sur l’Afrique, sur le poids du passé, l’inconnu de l’avenir et les contingences qui parfois minent les quotidiens et ankylosent des sociétés parfois trop ou trop peu structurées. Chaque auteur possède un style affirmé, un moyen de faire passer le message. Parfois le fantastique se greffe dans la trame pour faire référence à des récits fondateurs, souvent les auteurs exposent les travers de leur quotidien. Odia par exemple offre avec une certaine dérision le combat à distance entre deux voyantes qui affirment par presse interposée que leur champion de lutte gagnera le prochain combat qui les oppose. Jason Kibiswa interpelle sur le poids de la parole et ce qu’elle possède de sacré. Al’mata traite de la convoitise et de l’ivresse du pouvoir. Hector Sonon quant à lui décrit un récit sombre dans lequel un peuple menacé par la guerre se voit protégé par des divinités protectrices. Enfin le dernier récit confié à TT Fons traite du passé colonial du Sénégal et de ses tirailleurs qui livrèrent un lourd tribu à la Grande guerre. Complété par un riche cahier final qui présente les auteurs, cet album grand format à couverture souple, plus qu’une curiosité, se place comme une très belle ouverture à la bande dessinée africaine.

Collectif (présenté par Christophe Cassiau-Haurie) – L’Afrique en partage – Edition Dapper – 2014 – 16 euros

Tanganyika

Tanganyika de Micheluzzi – Mosquito (2015)

Novembre 1914 dans le Sud de l’Afrique, région du Zanzibar. Le commandement britannique rumine sa fureur. Le Pegasus vient juste de se faire couler près de la base de la Royal Navy par le Königsberg, un croiseur allemand redoutable qui aurait trouvé refuge dans le Delta du Rufiji, quasi inaccessible. Pour pouvoir localiser le navire les forces alliées misent sur la venue d’un homme mystérieux, géologue de son état, venu dans la région avec son aéroplane. Il est pourtant écrit que rien ne sera facilité dans la mission de repérage échafaudée par le haut-commandement britannique…  
Durant la première guerre mondiale l’Afrique noire fut le théâtre de tensions entre les forces de l’Axe et les troupes alliées qui livrèrent, près du lac Tanganyika, des combats qui, s’ils furent moins sanglants en termes de pertes humaines que sur les fronts européens, n’en demeurèrent pas moins l’expression de tensions plus que palpables. Avant la guerre l’Allemagne, l’Angleterre, la France, la Belgique et le Portugal possédaient des territoires immenses qui composaient des empires desquels ils pouvaient tirer des richesses, notamment minières. Ces territoires possédaient aussi et surtout un rôle géostratégique de premier plan. Les forces en présence s’élevaient de part et d’autres à quelques milliers d’hommes qui devaient composer avec la rudesse d’un climat auquel ils n’étaient pas forcément habitués. Aidés par des locaux formés rapidement au maniement des armes, les corps d’armées européens livrèrent des combats qui ressemblaient à de véritables parties d’échecs. C’est ce qui se passa près du Lac Tanganyika dès 1914. Avec Tanganyika Micheluzzi démontre toute l’étendue de son talent. Il sait avec patience construire un récit où chaque élément est porteur de sens. Le travail documentaire précis recueillis par l’auteur laisse exprimer une fiction qui développe des tensions de plus en plus sensibles au fil de l’évolution du récit. C’est une histoire d’hommes et de guerre duquel les femmes sont quasi-absentes. Pourtant, comme peu savent le faire, Micheluzzi ne dépeint pas la guerre mais les hommes qui la font. Les portraits se sculptent ainsi au fil des planches et révèlent les qualités et les faiblesses des uns et des autres, la capacité à manipuler ou à composer avec les circonstances dans l’instant. Au milieu des tensions et du sang versé, l’Afrique reste-là, palpable et dangereuse. Capable de bousculer les certitudes et de rappeler aux hommes les dangers d’une nature première…  

Micheluzzi – Tanganyika – Mosquito – 2015 – 13 euros


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