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La BD du jour : Le passage de Vénus de Jean-Pierre Autheman et Jean-Paul Dethorey

Bougainville  a marqué l’histoire dit-on plus par ses écrits que par ses découvertes. On ignore souvent cependant qu’il fut le premier à s’entourer, lors de son voyage autour du monde, d’une véritable équipe scientifique au service de ce siècle friand de découvertes. Ce récit donne la parole à Commerson, naturaliste et médecin du Roi et à sa femme Jeanne Baret. Un étrange mariage de sciences et d’amour, de concepts et de sentiments…

 

 

Parfois des récits se construisent avec presque rien sauf cette envie débordante de raconter une belle histoire. Les auteurs posent le cadre, le contexte historique et dressent le portrait fouillé des personnages. Et puis le récit se déroule, avec simplicité, sans racolage, ni surenchère. Le lecteur tourne les pages, parcourt les planches en s’immisçant dans l’univers créé et en ressort avec cette étrange sensation d’avoir vécu un moment rare. Cet effet s’impose de lui-même à la lecture de la série Le passage de Vénus.

Plaçons le contexte : Bougainville se prépare à effectuer un voyage autour du monde pour d’une part restituer les Malouines à la couronne d’Espagne et d’autre part ouvrir de nouvelles voies maritimes et  dresser de nouveaux comptoirs afin d’assurer le développement de La Compagnie des Indes orientales. Chose nouvelle dans l’histoire des voyages d’explorations, le navigateur français décide de s’entourer d’une véritable équipe scientifique, composée d’un cartographe, Romainville, d’un astronome, Véron qui devait observer une éclipse du soleil (passage de Vénus devant le soleil en juillet 1768, d’où le titre de la série) et enfin d’un naturaliste en la personne de Commerson. C’est autour de ce dernier personnage que se construira le récit de Jean-Pierre Autheman et Jean-Paul Dethorey. Embarqué avec un jeune assistant qui se révèlera être en réalité Jeanne, sa compagne déguisée, le naturaliste vivra ce voyage à distance, sans s’immiscer dans le volet politique mais en restant totalement réceptif au monde qui l’entoure et qu’il observe avec cette soif de découverte de nouvelles espèces animales ou végétales. Son amour pour Jeanne lui fera prendre des risques dont il ne mesure peut-être pas les conséquences. Car faire pénétrer une femme dans cette équipée équivaut à ne pas respecter les ordonnances royales et Commerson risque de perdre non seulement son titre de médecin du Roi mais aussi les pensions qui lui permettent de vivre. Au-delà de cet aspect romanesque parfaitement rendu et qui correspond à la vérité historique, cette série pose la problèmatique d’une époque dans laquelle la science impose sa vision du monde. Siècle des lumières, il est celui des mathématiciens, des cartographes, des astronomes, des naturalistes, des philosophes. La quête de vérité passe par le développement des sciences et la science ne peut pas se complaire dans l’approximatif ou le ressenti. Le dialogue de Commerson avec le dessinateur de bord, Jossigny s’impose comme l’un des moments clef pour comprendre l’époque dans laquelle ce récit prend corps :

Je crois pouvoir dessiner la mer d’après nature. Saisir le mouvement des vagues. Suggérer par le dessin la force impressionnante de la houle dit le dessinateur, ce à quoi le naturaliste lui rétorque, Aussi respectables que soient vos impressions, Monsieur, elles ne sont pas scientifiques. Tout ce qui n’est pas vérifiable n’est qu’approximation. Mais le scientifique restera plus loin bouche bée devant la représentation du caesalpinia de Jossigny. Les sciences restent au centre du XVIIIème siècle mais les arts démontrent aussi qu’il faudra compter sur eux pour décrire le monde, en donner toute son expressivité et partager avec le plus grand nombre les émotions vécues.

Seuls deux volets de ce triptyque ont pu voir le jour, son dessinateur ayant rejoint d’autres cieux. François Bourgeon complètera les trente-six planches de Jean-Paul Dethorey de huit planches réalisées en crayonné pour rendre hommage au fabuleux sens de la lumière et des teintes du dessinateur/peintre disparu. La fin du voyage de Commerson et de Jeanne Baret pourra se lire ailleurs. Vous y découvrirez notamment comment elle a pu tromper son monde deux années durant et devenir la première femme à réaliser, mais là n’était pas son but, une circumnavigation. Un album qui impose sa force, offre aussi les devants de la scène aux seconds rôles de l’histoire qui prouvent ici que les petites avancées ont elles aussi apportées leurs contributions à la science et la perception de notre monde…

Jean-Pierre Autheman et Jean-Paul Dethorey – Le passage de Venus – Dupuis – 1999 & 2000 – 15,50 euros


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