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Les BD du mercredi : Le Grand homme (Soleil), Holly Ann T4 (Casterman) & Racontars arctiques (Sarbacane)

Le mercredi c’est désormais trois albums sur lesquels nous portons notre attention. Trois livres qui font l’actualité, trois conseils de lecture, dans une diversité de genre et de format, pour aiguiser la curiosité de chacun !

C’est lors d’un repas orgiaque que naît Petit, le fils du Roi-Ogre. Son nom, il le tient de sa taille pas vraiment en adéquation avec le sang qui coule dans ses veines. Une naissance qui cache un mal bien plus profond, celui qui touche une lignée d’ogres qui, par la faute de mariages consanguins successifs, donne vie à des enfants toujours plus petits. Petit sera caché par sa mère qui, ira jusqu’au mensonge suprême en affirmant au Roi avoir mangé l’enfant. Elle le confiera à Desdée, la tante ancestrale qui, en raison de ses aventures passées, se trouve mise au ban dans une partie du château. Yori, lui, est né d’une relation entre le roi des Nobles-nés qui dominent le royaume au pied du château des Ogres-Dieux, et la favorite du roi. Malgré son statut de bâtard, il va gravir les échelons au fil du temps, mettant en évidence un talent indéniable à mener les plans les plus machiavéliques. Dans son souhait d’ascension, il parviendra au sommet, devenant le Chambellan, proche des Ogres-Dieux détenteur d’un pouvoir presque suprême. Lors de l’incendie du château les Ogres-Dieux vont disparaître et laisser un trou béant dans l’organisation du pays. Les sujets du royaume, marqués par la gouvernance des Ogres, ne se feront pas au régime de terreur imposé par Yori. Petit deviendra ainsi un enjeu de taille dans les plans du chambellan car pour espérer maintenir sa position il devra s’entourer d’un « dieu sur la montagne pour que la racaille se tienne à sa place. Fût-il un petit dieu ! ». Pour mettre la main sur lui Yori fait enlever Sala, la compagne de Petit. Lours, un homme d’expérience, se propose de l’aider à retrouver sa belle et à conquérir le trône qui lui est dû tout en privant le chambellan de toute responsabilité. Début d’une lutte sans merci dans laquelle Lours, soldat émérite chassé de la forêt par son peuple, va jouer un rôle majeur.

Si les deux premiers tomes de ce triptyque se construisaient autour de Petit et de Yori, deux personnages clefs de la saga des Ogres-Dieux, ce dernier opus présente l’histoire de Lours un homme mystérieux au rôle prépondérant dans l’issue de la lutte entre le chambellan et Petit. Comme dans les deux volets précédents, les auteurs du récit construisent leur histoire autour de chapitres qui s’ouvrent sur un texte qui relate l’histoire du héros, ici Lours, sous forme de flashbacks complémentaires au récit séquencé. Le lecteur découvre ainsi, au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, le destin d’un homme banni par son peuple pour avoir fait se perdre l’esprit de son père Daomar. Un homme qui a soif de vengeance qui va tenter de rétablir l’entente entre les hommes et les géants. Le récit subtil décortique les relations parfois complexes qui lie les uns et les autres autour d’intérêts communs mais ô combien fragiles. Le dessin de Gatignol, d’une grande lisibilité, conserve une extrême cohérence sur les trois volets de la saga. Il parvient surtout à dimensionner le personnage de Lours, homme sur qui va reposer le futur d’une contrée vouée au sang et au joug d’un chambellan avide de pouvoir. Un récit habilement structuré dont la tension ne cesse de croître jusqu’à un final étourdissant en forme de rédemption. Magnifique !
Hubert et Bertrand Gatignol – Le grand homme – Soleil/Métamorphose

 

Nysa, Holly et Lando remontent un des embranchements du bayou à la recherche d’une communauté de marrons ayant fui, il y a de nombreuses années, les répressions sauvages opérées par les membres du Ku Klux Klan. Arrivés à proximité du village où les anciens esclaves se cachent, loin du regard des hommes, une odeur âcre vient perturber nos trois visiteurs. Pour en comprendre l’origine il suffit de lever les yeux vers le ciel pour y apercevoir des dizaines d’hommes et de femmes flottant au vent, pendus par une corde aux branches d’un arbre multi-centenaire. Non loin de l’horreur de cette scène, Lando aperçoit un capirote blanc, coiffe portée par les membres du KKK lors de leurs processions. Le doute ne semble plus permis. Autre élément troublant trouvé sur les lieux du crime par Nysa, un flacon d’opium frappé du sceau d’un dragon noir. C’est à partir de ces maigres indices qu’Holly va entreprendre de retrouver la trace des meurtriers de cette communauté.

Les récits d’Holly Ann se situent à la fin du dix-neuvième siècle à la Nouvelle-Orléans. Une ville qui impose déjà son aura sur le monde et draine tout un lot d’individus marqués par des croyances mêlées, venues d’Afrique, des îles voisines du Golfe du Mexique, de cette culture primale natchez ou des confins de l’Asie. Dans les quartiers populaires, les bicoques biscornues et pas foncièrement affriolantes hébergent des femmes et des hommes habités par un culte qui attire pour la force de ces envoûtements autant qu’il repousse pour sa pratique terrifiante de sacrifices principalement gastéropodes. D’autres lieux sont attirés par d’autres croyances tout aussi mystiques portés par des pratiques millénaires. Dans ce cadre, qui bouleverse parfois la raison, La Nouvelle-Orléans, peut-être plus qu’une autre, devient ville atmosphérique bercée qu’elle est par cette musique des esclaves qui se déclinera quelques années plus tard en jazz et en blues, des musiques faites pour scander ce naturel désir de liberté et d’amour. Dans L’année du dragon, le quatrième opus de la série, Holly Ann va mener son enquête pour tenter de percer les secrets de la mort de dizaines de membres d’une communauté noire repliée sur elle-même. Elle va de fait révéler les étranges trafics qui s’y exerçaient et le tragique de la résurgence nauséeuse de sentiments suprémacistes. Comme sur les trois premiers volets de cette série Kid Toussaint construit un scénario au cordeau, qui joue sur le cadre d’une ville et d’un pays, sur des croyances ancestrales et le mystère qu’ils développent pour faire croître la tension. Les personnages, quant à eux, superbement construits, apportent leur regard sur ce monde fait de doute, de peurs et d’espoir. La meilleure série en 48 CC du moment.
Kid Toussaint et Servain – Holly Ann T4 : L’année du dragon – Casterman

 

Publiés à partir de 2009 chez Sarbacane, Les racontars devaient accoucher de trois tomes épais, La vierge froide, Le roi Oscar et Un petit détour. Trois pavés issus de l’œuvre de l’auteur danois Jørn Riel. Une œuvre qui puise son inspiration dans le long séjour qu’il effectua durant seize ans dans le nord-est du Groenland. L’auteur se nourrit des histoires qui se racontent ici ou là et par des légendes locales alimentées par les rares habitants de cette terre enneigée la plupart de l’année. De cette base offerte par les récits de Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle proposent une adaptation graphique singulière qui conserve le sel de l’œuvre originale et l’humour constant qui transpire de chaque scène. Le regard porté par les auteurs se fait tendre sans être moqueur. Les hommes isolés qui peuplent cette partie du Groenland sont tous chasseurs et leur vie est organisée autour des saisons de chasse. Il faut d’abord tirer parti du gibier qui crapahute sur les landes gelées pour emmagasiner suffisamment de vivre pour tenir aux saisons les plus froides, celles aussi où la nuit reprend son règne pour quelque temps. Ensuite, une fois stockée la viande, les peaux représentent de belles monnaies d’échanges pour le troc local ou pour s’équiper de nouveaux matériels auprès des bateaux qui mouillent dans la baie près de la station de Guess Grave. Avec une certaine tendresse, Jørn Riel présente des hommes qui sont restés de grands enfants. Coupés du monde, leur vie sociale se résume à peu de choses : des visites effectuées par les uns ou les autres pour quelques jours ou des traditions qui perdurent au fil des ans. Dans cet enfermement, difficile de vivre seul. Sans ami ou compagnon « d’infortune », sans femme à aimer, les journées paraissent longues. Parfois des étrangers se perdent sur ce vaste territoire, et d’aucun ne mise quelques kopeks sur leur adaptation aux contraintes physiques dans la durée. Des histoires de coq, de femmes fantasmées et partagées par tous, de chicaneries entre résidents, une improbable milice organisée par un lieutenant en mal d’affirmation pour lutter contre un improbable ennemi, des amitiés avec des bêtes, et une poilante virée en iceberg à destination des terres plus chaudes. Le regard des hommes et leur façon de vivre dénotent une certaine naïveté en partie alimentée par leur éloignement du monde. Restent ces racontars, vrais ou pas, qui se dévorent avec un plaisir de lecture inégalé. A lire, au coin du feu, en période de grands froids pour partager le sort de ces atypiques héros !
Jørn Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle – Racontars arctiques – Sarbacane


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