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Melvile tisse sa toile, l’interview de Romain Renard

A Melvile il ne se passe pas grand-chose et, même si tel n’a pas toujours été le cas, la ville ne peut aujourd’hui que vivoter du passage de quelques chasseurs ou pécheurs qui se réapprovisionnent en essence et en vivres avant de s’enfoncer dans la vaste et généreuse forêt qui s’élève à sa proximité. Cet havre de paix pourrait permettre à l’écrivain Samuel Beauclair de retrouver les conditions favorables qui lui avaient permis de sortir un premier roman fort séduisant mais rien n’est moins sûr…

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Melvile, l’histoire de Samuel BeauclairEcrire un premier roman et s’imposer comme un auteur à suivre. Pas si évident à assumer lorsque les feux des projecteurs rappellent à chaque instant les nouvelles responsabilités à son auteur. Pour Samuel Beauclair, le premier coup d’essai a fait mouche autant auprès des lecteurs que des critiques qui ont fait de son premier roman plus qu’un succès d’estime. Mais le jeune homme n’était pas préparé à gérer cette nouvelle notoriété. Installé dans la bâtisse où écrivait son père, auteur reconnu qui lui a transmis la fibre, il se retrouve vite envahit par le doute. Les nuits de travail se succèdent sans qu’elles puissent accoucher de pages satisfaisantes. La poubelle à papier voit ainsi s’accumuler les débuts de tapuscrits éphémères qui laissent s’installer un climat chaque jour plus dépressif. Samuel  se plonge dès lors dans l’alcool. Pour oublier et tenter de décrocher du réel qui le rattrape via les coups de fil journaliers de son agent littéraire. Pour ne pas rompre totalement le lien socialisant, perdu qu’il est dans une forêt immense qui tisse sa toile, quelque part à Melvile, village perdu en Amérique du Nord, Samuel avait un rituel quotidien auquel il ne dérogeait jamais. Levé tard, une douche, mais pas toujours, ensuite, il partait en ville chercher ses cigarettes et deux cartons de bières. Parfois il se rendait au cœur de la forêt, sur les hauteurs, au pied d’un grand chêne. Sa femme Sarah tente bien de le bousculer pour le sortir de cette spirale négative qui s’auto-alimente. Mais le mal paraît bien plus profond qu’il n’y paraît. Pourtant, un jour qu’il descend en ville, il trouve chez un commerçant une petite annonce qui dit rechercher un ouvrier pour repeindre une maison de la région. Samuel y répond…

Dans cet album de plus de 100 planches, Romain Renard construit un récit atmosphérique qui s’inspire aussi bien d’un Twin Peaks que d’un Top of the lake, deux séries aux contours similaires dont il se revendique et dans lesquelles, comme dans Melvile, planent beaucoup de non-dits et de voiles mystérieux. Samuel, le héros devra apprendre à se reconstruire. Pour cela il devra se libérer progressivement d’un double poids, celui de son père, écrivain reconnu, et celui de sa femme qui l’empêche, nous en découvrirons les raisons au fil du récit, de prendre son envol et de se reconstruire. En œuvrant à repeindre la maison de ses employeurs, David et sa sœur Rachel, jeune femme troublante, Samuel parviendra à briser la linéarité du fil de sa vie. Il réapprendra à aimer et à se libérer des fantômes du passé. Pour autant, l’homme reste fragile comme si la perspective du renouveau qui lui tend les bras ne pouvait nuancer sa face sombre, qui le rappelle à des abysses destructifs.

D’un point de vue formel Romain Renard excelle dans le sens du découpage. Tout en suggestions il évite les pavés narratifs (sauf en tête de chapitre) pour viser à l’essentiel : l’appropriation par le lecteur de la symbolique de ce qui se joue, une symbolique qui peut prendre, en fonction du background de chacun, des directions divergentes. Teinté d’un onirisme qui se fait de plus en plus prégnant à mesure que le texte dévoile les aspects de sa dramaturgie, Melvile tisse sa toile. Pris dans les mailles d’un univers qu’il essaye de reconstruire mentalement pour tenter de le domestiquer, le lecteur pourrait ainsi se laisser aller à dessiner la géographie des lieux, voire son histoire par l’entremise d’une légende ancestrale reproduite en digression dans l’album et qui donne corps à la vision du cerf qui se fait obsédante pour Samuel.

Cet album permet à Romain Renard, artiste pluridisciplinaire, d’utiliser les possibilités offertes par la réalité augmentée pour prolonger le plaisir de lecture. L’album propose ainsi de découvrir les étapes de construction de l’album ainsi qu’une bande-son composée par son auteur pour permettre au lecteur de vivre une réelle immersion dans l’univers mystérieux et foisonnant de Melvile. Un premier opus qui offre les éléments d’un univers en construction…

Romain Renard – Melvile T1 – Le Lombard – 2013 – 19,99 euros

 

L’interview de Romain Renard

 


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