La baie de Slack, nord de la France. Été 1910. Deux univers s’entrechoquent. La famille Van Peteghem, des bourgeois décadents, viennent y passer leurs vacances annuelles. Leur exubérance exaspère les habitants de la baie. Notamment une famille de pêcheurs aux mœurs assez particulières. Mais Ma Loute, l’aîné de la famille, tombe rapidement sous le charme de Billie Van Peteghem.
Durant le séjour des Van Peteghem, de mystérieuses disparitions inquiètent de plus en plus les habitants de la région. L’inspecteur Machin et son adjoint Malfoy mènent l’enquête tant bien que mal.
De l’histoire aux personnages, ce film est une caricature. Une caricature aussi gore que burlesque où la fable tragique se transforme en des situations plus comiques les unes que les autres. L’outrance est omniprésente dans chaque scène. Chaque détail est amplifié, poussé à son paroxysme. De la démarche des personnages à leur langage, en passant par leur état.
Pourtant, le sujet est à la base plutôt tragique, puisque le film tourne autour d’une enquête policière qui cherche à comprendre pourquoi les estivants disparaissent. Rien de très réjouissant sur le papier. Mais à l’écran, difficile de ne pas rire dès les premières minutes lorsque l’on y voit apparaître l’inspecteur et son adjoint, un croisement entre Laurel et Hardy et les Dupont et Dupond. Et que dire de la famille Van Peteghem, dont les adultes totalement siphonnés dénotent avec la « normalité » de leurs enfants. Ainsi qu’avec le côté très bourru de la famille de pêcheurs.
Tout, absolument tout, est ubuesque dans ce film. D’André Van Peteghem s’extasiant sur la glycine qui a grandit, aux pêcheurs qui font traverser l’eau aux estivants en les portant dans leurs bras. Et c’est là tout le talent de metteur en scène de Bruno Dumont, qui réussit à transformer une situation des plus banales en une scène de vaudeville.
Car oui, ce film est un vaudeville. Un vaudeville de deux heures qui ne laisse pas une seconde de répit à son spectateur. Un vaudeville qui tient autant au comique de situation qu’au talent des comédiens et à leur jeu ampoulé. Fabrice Luchini – dont le jeu est déjà souvent extravagant – pousse la caricature à l’extrême et en devient méconnaissable, autant dans ses mimiques que dans sa démarche. Juliette Binoche, que l’on a plutôt l’habitude de voir dans des rôles graves, est ici totalement déjantée. Des trois, c’est peut-être Valeria Bruni Tedeschi qui est la moins atteinte par la folie burlesque de cette famille de bourgeois.
Si le film est drôle à en pleurer, il n’est pas pour autant calibré comme les comédies que l’on nous sert à l’envi. Non, les gags ne s’enchaînent pas. Le rythme général est plutôt lent, laissant s’installer et grandir la situation. Quant au style assez surréaliste, il risque d’en dérouter plus d’un. C’est sans doute le seul défaut de Ma Loute qui laissera sûrement des spectateurs totalement indifférents à son univers. Comme il a d’ailleurs laissé indifférent une partie du public cannois. Pourtant, sous son apparence de fable grotesque, le cinéaste glisse quelques métaphores sur notre société actuelle : écart grandissant entre milieu aisé et prolétariat, discrimination, questions identitaires, … Et c’est là toute la beauté du Septième Art. Questionner. Mais sans oublier d’amuser.