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La BD du jour : Mémoires de Viet Kieu (T3 & 4) de Clément Baloup (La Boîte à bulles)

Projet d’envergure mené en fil rouge depuis le début de la carrière de Clément Baloup, Mémoires de Viet Kieu vient offrir deux nouveaux sujets tragiques et cachés au regard de la société. Les mariées de Taïwan, présente les mariages arrangés de jeunes femmes « achetées » par des Taïwanais en décalage complet avec la société moderne, tandis que Les Lính Thợ, immigrés de force vient combler une lacune de l’histoire de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle plus de 20 000 indochinois furent asservi pour le bien d’une nation encore fière de son empire colonial. A ne pas manquer…

Avec Quitter Saïgon, le premier volume de Mémoires de Viet Kieu, Clément Baloup abordait le problème de la diaspora vietnamienne en France à partir de témoignages de son père et de connaissances plus ou moins proches de la famille. Témoignages sur le choc de la rupture avec un territoire, une façon de vivre, avec les proches restés au pays, tout cela décliné avec le sens de l’écoute et ce désir de restituer au mieux le moment où tout a basculé. Si ce premier volet arrivait à ses fins, Clément Baloup avait l’envie d’aller plus loin, de creuser encore plus les destins de victimes de cette diaspora, de comprendre leur adaptation à leur nouvelle vie en intégrant les fractures du passé. L’idée du deuxième volet de ce récit prenait corps avec cette fois le souhait de travailler autour de portraits de vietnamiens exilés aux Etats-Unis. Ces deux récits écrits entre 2006 et 2012 constituaient la base d’un travail indispensable de l’auteur pour se réapproprier une part de son histoire familiale. Il poursuit en 2017 ce projet en livrant deux nouveaux opus aux Mémoires de Viet Kieu.

Avec Les mariés de Taïwan, Clément Baloup présente un phénomène peu connu baptisé les mariées de Taïwan où comment des milliers de jeunes femmes entrent dans l’engrenage de mariages arrangés avec ou sans leur consentement avec l’idée d’améliorer leur sort. Pour cela le dessinateur va mener une véritable enquête de fond qui le verra suivre le parcours de Linh, jeune fille superbe « dénichée » par une arrangeuse. Le dessinateur présente ainsi le circuit par lequel passe chaque jeune fille avant d’échouer dans le foyer d’un riche étranger. Les humiliations, les peurs, la vente des corps sous les yeux parfois lubriques d’hommes venus faire leur marché, à la façon du client entrant dans une maison close, la nécessité de subir les regards de la belle-famille, la violence parfois de l’époux et les pensées morbides. Au travers de ce docu-fiction, dans lequel l’auteur présente en fil rouge le portrait de jeunes femmes qui se sont confiées à lui alimentant le déroulé de son récit, Clément Baloup met en exergue « une crise sociétale profonde : Les hommes taïwanais n’ont pas su s’adapter à la modernité soudaine du pays. Les nouvelles générations de femmes taïwanaises ayant accès aux études au sein d’une économie florissante, ne comptent pas redevenir des femmes traditionnelles et soumises pour plaire à d’éventuels époux ». Un album choc qui présente une des facettes d’un commerce abject qui se développe d’autant plus qu’il alimente un marché dans lequel plusieurs intermédiaires font littéralement fortune en jouant sur des promesses d’avenir meilleur susceptibles de séduire de jeunes femmes fuyant la misère de leur pays. Un récit coup de poing qui sait poser la caméra au bon endroit pour dévoiler l’impensable.     

Autre récit qui vient s’insérer dans le projet des Mémoires du Viet Kieu, Les Lính Thợ, immigrés de force a été conçu en lien avec le journaliste Pierre Daum. C’est ce dernier, alors qu’il réalise des reportages pour le journal Libération dans le sud de la France, qui découvre par hasard que la France, durant la seconde guerre mondiale, a fait appel à de la main d’œuvre indochinoise pour répondre aux besoins d’une part de ressources alimentaires nouvelles en période de crise, c’est l’appel aux paysans pour relancer le riz camarguais, et d’autres part de ressources humaines pas trop chère demandées par les industries françaises. Lorsqu’il découvre ce fait ignoré de la seconde guerre mondiale, le journaliste sait qu’il détient un sujet qui se doit d’être creusé, fouillé, pour ne pas passer sous silence les injustices dont furent victimes les déportés de force qui engraissèrent sans le vouloir certains grands groupes. Le journaliste publie en 2009 un livre chez Actes Sud qui aura un succès retentissant sur la communauté indochinoise. Sur Les Lính Thợ, immigrés de force Clément Baloup vient, par ses illustrations compléter cet ouvrage et offrir des visages sur ces déportés de force, qui, plus de 60 ans après les faits restent humbles avec une colère contenue. Un livre-documentaire qui deviendra indispensable pour les familles de victimes de cette déportation.

Clément Baloup donne à voir sur ces deux albums, deux témoignages forts qui alimentent son projet historique et sociétal de nourrir la mémoire collective de la population vietnamienne et plus largement indochinoise. En y apportant sa sensibilité et un dessin d’une extrême poésie, au plus proche des protagonistes qu’il met en scène. A suivre…

Clément Baloup – Les mariées de Taïwan – La Boîte à bulles
Clément Baloup et Pierre Daum – Les Lính Thợ, immigrés de force – La Boîte à bulles


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