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Focus Polar : Trajectoire d’un tueur…

Le polar c’est un climat intense, moite, une odeur de sang, de sueur, de peur dans lequel un ou des auteurs développent un récit tout en suspense. Mais c’est aussi et surtout des personnages hauts en couleurs aux parcours souvent hachés, tragiques ou marginalisés. Le polar peut-être plus qu’un autre genre vit au travers de ses personnages. Attachons-nous à la trajectoire des tueurs et des criminels de tous poils qui, de par leurs actes, alimentent les peurs enfouies et donnent à voir des destins brisés qui signent de leurs crimes leur mal être et leur aliénation à un monde dans lequel ils ne se retrouvent plus forcément…

 

Fatale Une 

 

Fatale Cabanes

Fatale de Cabanes – Dupuis (2014)

A chaque fois le même jeu. Choisir une ville, si possible pas trop grande pour ne pas se noyer dans ses multiples strates ni trop petite pour avoir de la « matière » à gratter et une prise sur les affaires locales. Ensuite c’est l’approche tout en délicatesse, puis l’observation de tout le gratin. Le but à peine avoué de faire main basse sur les sonnants et trébuchants n’a d’égal que le plaisir à voir tout le beau monde se déchirer et se révéler dans ce qu’il renferme de plus abject. Chaque ville possède ses histoires sombres, celles capables de renverser un pan non négligeable de ses notables et de cette petite bourgeoisie putassière avide de réussite et de reconnaissance. Aimée a très bien compris cela. Jeune femme distinguée, capable de faire tourner les têtes des plus hermétiques de ces hommes, elle sait ce qu’elle peut gagner à tirer les bonnes ficelles pour pimenter les soirées de cette fange de la population des quartiers bien proprets. Par son intrusion tolérée dans les soirées mondaines, dans les cercles d’amis respectables, tout du moins en façade, Aimée fait resurgir les histoires pas toujours nettes mais contenues pour d’obscures raisons d’argent et de pouvoir. Aimée observe donc, ne sombre jamais dans l’affect, capte les faiblesses des uns et des autres, et, quand la situation devient enfin mûre, une fois posés les pions et activées les pièces, elle lance l’attaque fatale, celle qui effondre d’un simple souffle le château de carte si beau mais si fragile. Par cela elle ne laisse personne vraiment indemne, sauf elle-même, qui, déjà loin dans la cabine d’un train en direction de la prochaine ville, recompte les dividendes récoltés lors de son bref passage dans la bourgade qu’elle quitte sans se retourner.

On retrouve dans ce récit adapté du roman de Manchette, le charme des histoires de Simenon. Des histoires qui prennent au corps, tissent des portraits pas foncièrement nuancés de ses héros et des protagonistes d’arrière-salle qui s’y meuvent. Le récit se déroule au sein même de ses élites de province, là où le but avoué est de faire bonne figure lorsqu’on s’expose en public, quoique certain ont passé l’âge des courbettes et de la bienséance. Dans le récit de Manchette il porte le nom de Baron Jules, un marginal qu’Aimée rencontre la première fois urinant sur la tapisserie de Lorque, un de ces nouveaux riches qu’il exècre, autant qu’elle-même aime les travailler pour mieux les saigner par la suite. Cabanes excelle dans la manière de décrire ses personnages, de les camper dans leur rôle.  Donne à voir ici une mimique qui en dit long, là un regard si profond de sens qu’il semble pourvu de la parole, là encore une posture du torse qui dépeint la tension du moment. Le dessinateur s’attache donc à ce que chaque détail joue son rôle, qu’il apporte à la compréhension de l’ensemble. L’adaptation littéraire n’est pas chose aisée car le texte de référence peut souvent se faire trop présent ou trop fort pour laisser s’exprimer le séquencement. Cabanes évite tous les pièges. Il excelle même dans la description des scènes nocturnes, là où les dits et les non-dits possèdent une autre valeur. Le polar se déroule avec une efficacité redoutable, c’est propre, bien exécuté. Un grand album !

Cabanes (d’après le roman de Manchette) – Fatale – Dupuis – 2014 – 22 euros

 

Mon-ami-Dahmer-Backderf

Mon ami Dahmer de Derf Backderf – çà et là (2013)

Alors qu’ils traversent la forêt pour se rendre en ville afin de découvrir le nouveau Monty Python trois gamins passent à proximité de la maison d’un certain Jeffrey Dahmer, un camarade de classe réputé pour ses « bizarreries » inquiétantes. Bien malgré eux ils tomberont sur lui alors qu’il tient en main un chat mort. Ecœurés ils lui demanderont la raison pour laquelle il se promène avec cette bestiole sans vie. La réponse se fait cinglante : Je vais le dissoudre dans l’acide. Et d’amener les trois curieux dans sa cabane « d’expériences » où sont enfermées dans des bocaux toutes sortes d’animaux en décomposition. Dans un accès de folie Jeffrey balancera au sol un de ses fameux bocaux. L’odeur nauséabonde qui s’en dégage fera fuir les trois amis. Cette expérience les marquera indéniablement. Pourtant, au fil du temps, ils recroiseront régulièrement Jeffrey, l’utiliseront parfois à des fins pas forcément très glorieuses, puis le perdrons de vue jusqu’à découvrir son acte ultime…

Avec Mon ami Dahmer Derf Backderf livre un récit d’une force remarquable. Lorsqu’il a connu celui qui allait peu après sombrer dans le crime, le dessinateur était encore un jeune homme avec un regard et des actes sûrement inappropriés à la situation. Tout du moins ne pouvait-il pas supposer ce qui allait advenir de ce camarade de classe un brin déluré, qui amusait ceux qui s’intéressaient à lui mais dont la face sombre se dessinait déjà au travers des souffrances qu’il pouvait faire subir à des animaux capturés et torturés gratuitement sans qu’il puisse en éprouver le moindre remords. Jeffrey Dahmer est né dans une famille qui renfermait peut-être plus de problèmes que d’autres, une mère gagnée par des idées sombres et souvent distante comme pouvait l’être son père, absorbé par son travail de chimiste et adepte du laisser-faire. Personne, en tout cas parmi ceux qui ont connu Dahmer ne pouvait supposer la suite. Au travers de son travail sur ce récit graphique Derf Backderf tente de revenir en arrière pour capter des signes, essayer de comprendre ce qui a pu déclencher le basculement dans la folie et le crime. Il n’hésite pas pour cela à reprendre ses notes qu’il livre au lecteur en fin d’album avec des tentatives d’explications pour faire la lumière sur ce cas pathologique. Au travers de ce projet Backderf démontre sa capacité à mener le récit, à livrer les bons détails au bon moment pour permettre au lecteur une immersion dans ce qui se joue devant lui. Le choix de revenir sur la genèse du serial-killer (Dahmer fut condamné pour le crime de dix-sept personnes) possède en ce sens une utilité presque clinique. Un album qui ne laisse pas indifférent et qui démontre aussi que la BD peut se fondre dans n’importe quel sujet, avec ses moyens propres. Car les 250 pages de cet album contiennent non seulement un témoignage sincère et en un sens émouvant d’un auteur mais aussi une mise en perspective d’une société dans son ensemble. Une société qui accouche parfois de véritables monstres. Du grand travail !

(A signaler que cet album, lauréat du Prix SNCF du polar dans la catégorie BD en 2014 sera édité en poche aux Editions Le Cercle Points en janvier 2015.)  

Derf Backderf – Mon ami Dahmer – çà et là – 2013 – 20 euros

 

The Corner

The Corner de Palloni & Settimo – Sarbacane (2014)

Boston 1924. La ville connait des vagues de migrations sans pareille venues d’Europe, et d’Italie en particulier. Sur le port un immense bateau décharge des corps de ritals à la pelle, morts durant la traversée et recouverts maintenant d’un simple drap. L’un d’eux fait l’objet d’une attention particulière. Il s’agit de Savio, que son frère Serpio, un Italien installé dans la ville depuis un certain temps déjà, reconnait sans peine. L’inspecteur chargé de l’enquête a convié Serpio à la reconnaissance du corps car celui-ci contrairement aux autres, morts de la grippe, n’a visiblement pas contracté le virus mais plutôt récolté une balle de calibre 9 mn. Une enquête confiée au lieutenant Bright T. Howard est diligentée, et pour tout dire les mouvements de Serpio seront scrutés de près, la vengeance étant la première réaction qu’il vient à l’esprit de celui qui a perdu un frère. S’il vient de perdre un frère Serpio gagne par contre sa nièce Luisa qui était du voyage et a survécu à l’épidémie de grippe et de son jeune neveu atteint d’une allergie à la lumière du soleil et qui se trouve momifié de bandelettes recouvrant l’intégralité de son visage. Serpio comme la plupart des Italiens possède un rapport fort à la famille. Il les recueillera dans son appartement du North end, un lieu malfamé où peu, en dehors des riverains, osent s’aventurer. Si Serpio exerce le noble métier de barbier, il arrondi ses fins de mois en tant qu’homme de mains pour le clan Manopello. Il accomplit d’ailleurs si bien sa charge qu’il se voit proposé une promotion de choix, organiser la sécurité d’une réception dans laquelle seront regroupés de nombreux pontes de la mafia de Boston. Pour Serpio cette nouvelle charge sera l’occasion de révéler un nouvel aspect de son personnage.

Avec The Corner les Italiens Lorenzo Palloni et Andrea Settimo livrent une vision sombre de la communauté italienne de Boston dans les années 20, une période marquée par les débuts d’une crise sociale et économique sans pareille dont le point d’orgue sera matérialisé par le krach boursier de Wall Street en octobre 1929. Transportées aux Etats-Unis, les grandes familles de la mafia du sud de la botte italienne reproduisent leur mode de fonctionnement. Ils sont rejoints par tout un lot d’anarchistes de la première heure, ceux qui réagirent de manière virulente à la prise de pouvoir de Mussolini en Italie en 1922, et qui, sous la pression constante du pouvoir fasciste, fuirent leur terre natale. Comme la mafia installée à Boston et dans les grandes villes américaines, les anarchistes devaient poursuivre leurs idéaux sur leur nouveau sol d’accueil. Serpio est l’un d’eux, un homme vivant dans les quartiers mal famés de Boston, épris de justice et prêt à tout pour y parvenir même si sa vie doit être mise en jeu. Le scénario de cette histoire ne s’attache pas à décrire les mécanismes de la mafia mais bien plus à mettre en avant les hommes de l’ombre et la misère qui gangrène les communautés venues sur un sol déjà lessivé par les vagues successives de migrations. Pour autant The Corner n’est pas un album qui se veut une analyse détaillée de la société italienne de Boston mais bel et bien un polar avec ses multiples rebondissements. La mort guette à chaque page et le suspense croit crescendo. Le dessin en noir et blanc rehaussé de teintes ocre va à l’essentiel. Il développe un rythme qui donne au récit une saveur particulière. Un sujet peu abordé par ailleurs plutôt agréablement traité. A découvrir.

Palloni/Settimo – The Corner – Sarbacane – 2014 – 23, 50 euros   

 

Moi assassin

Moi assassin de Altarriba et Keko – Denoël Graphic (2014)

Le milieu universitaire reste celui où la recherche pousse l’homme à mieux comprendre l’action de ses pairs, de ses augustes prédécesseurs, de l’art, de la science et de toutes les disciplines qui y sont enseignées. En cela chaque professeur, responsable d’un enseignement s’attache à travailler sur un sujet ou une thématique dont il tente de porter la connaissance globale et particulière à son plus haut niveau. C’est le cas d’Enrique, professeur d’histoire de l’art contemporain, qui s’est fait le spécialiste de l’étude dans l’art pictural de la souffrance et de la douleur. Bacon, Munch, Grünewald, Ensor, Goya, Rops, Bruegel, Dix, Grosz… l’accompagnent ainsi dans la recherche permanente d’une vérité. Tout comme l’œuvre des anciens peut rester parfois hermétique à toute compréhension globale, le chercheur ne révélant qu’une théorie, certes documentée, de ce qu’il croit comprendre de sa vision de chaque œuvre, Enrique lui-même possède son territoire secret. Car l’homme n’est pas qu’un théoricien de la douleur dans l’art. Pour se rapprocher des peintres du passé il se fait fort de mettre à exécution ses théories en pratiquant lui-même le crime… Jamais de manière boulimique mais en laissant le temps donner du sens à son acte. Pour parvenir à sa Grande œuvre l’universitaire se fait fort de respecter quelques règles : Ne jamais se précipiter, ne jamais commettre l’erreur de tuer deux fois au même endroit, ne jamais choisir le même mode opératoire. Au fil du temps Enrique est donc devenu une sorte d’expert dans l’art de tuer. Directeur de publication d’une revue thématique liée à son champ d’étude l’homme jouit d’une réputation mondiale dans son domaine et sûrement à juste titre. Mais qu’adviendrait-il si un grain de sable venait enrayer la belle machinerie ?

Dès la première planche Moi, assassin donne le ton : Tuer n’est pas un crime, tuer est un art. Le narrateur prend le lecteur à témoin, il lui donnera les clés de sa théorie du crime, un art donc qui possède ses codes, sa saveur, sa tonalité, ses risques et ses exigences qui se doivent de toujours tendre vers la perfection. Faire le bon geste au bon moment en tenant compte des circonstances. Le scénario d’Antonio Altarriba prend corps dans le milieu universitaire qu’il connait bien et avec lequel il s’autorise quelques critiques acerbes. De ce milieu fermé son héros conserve la rigueur. Acculé, ostracisé par ses pairs l’homme tentera de poursuivre sa Grande œuvre avec foi et dévotion. Jusqu’au jour où un copycat entre en jeu… le dessin en noir et blanc tout juste parsemé de quelques taches rouges symbolisant le sang trouve dans ce contexte une force particulière. Le polar fonctionne, la tension se fait palpable tout du long… au point de déranger. En grande partie par ce que le scénariste offre au lecteur : une vision unique, celle du tueur. Le choix se fait donc, dans ce contexte, discutable surtout si l’on connait la propre rigueur du scénariste qui excelle dans la manière de mener son récit. Un héros marginalisé mais qu’il pourrait par certains aspects et notamment sa vision artistique, sa critique de l’art contemporain et de la société, rendre attirant. Ses étudiants ne s’y trompent pas, qui le suivent sur la base de son discours qui  possède intellectuellement une base captivante. Moi assassin ne peut donc laisser indifférent et en ce sens il mérite bel et bien que chacun puisse s’en faire sa propre opinion.

Altarriba & Keko – Moi, assassin – Denoël Graphic – 2014 – 19, 90 euros

 

Il est mort

Il est mort le poète de Malte et Gravé – Les Enfants rouge (2014)

La politique ne sera peut-être jamais poésie même si le verbe et la qualité oratoire de ceux qui s’y adonnent leur vie durant prennent une place de choix dans leur reconnaissance future. Lui était poète, peut-être l’un des derniers, un orateur hors pair capable de lever les foules par ses harangues motivées et la passion qu’il pouvait porter à son discours. Sa dévotion et son apparent détachement en faisait un présidentiable en puissance. L’homme dérangeait. On le tua. Qui ? Peu importe. Un marginal, un activiste, un opposant pas encore encarté, un fou en liberté ou un mercenaire payé pour tracer une voie royale à un autre orateur peut-être moins poète mais soutenu par des hommes pour qui le pouvoir prend tout son sens. Bref les scenarii sont légions et peu importe dans le fond car la police a bel et bien arrêté le meurtrier de cet horrible crime, un certain Mastrado qui ne fit aucune opposition à son arrestation. Pourtant tout se joue ailleurs, dans l’après, lorsque le tueur quitte la prison dix-sept ans après. Lorsque les portes s’ouvrent enfin à lui le tueur voit débarquer dans sa vie une femme qui se dit être sa fille. Mastrado ignorait avoir eu un enfant d’une rencontre passée trop vite envolée. Alors il se méfie un peu de cette nouvelle paternité d’autant plus qu’il vient de vivre coupé du monde. La fille mettra du temps à apprivoiser le père, mais, et alors que celui-ci livre enfin son amour, sans retenue, un évènement va venir perturber la nouvelle donne…

Au départ il y a un court roman publié aux éditions La Tengo par Marcus Malte fin 2011. Une histoire livrée brute avec un suspense prenant et une vraie efficacité dans les effets. Puis l’idée d’adapter le texte en BD voit le jour. Vincent Gravé livrera les images de ce projet. Le dessinateur proposera un rendu graphique au noir et blanc dans des techniques différentes. Le trait se fait ainsi parfois jeté sur la feuille avec un dynamisme qui laisse transparaitre la tension du moment. Parfois le trait se fait plus vaporeux, plus léger, plus volatile pour signifier la fragilité du moment et de l’instant. Le tout dans un jeu de contrastes entre le premier plan et le fond. Le parti pris de s’attacher avant tout au regard et aux émotions des personnages en les représentant dans des cadres souvent dépouillés pour mieux les saisir dans l’instant fait mouche. Seul regret à ce projet un suspense qui s’évapore assez vite au point de nuire en partie au plaisir de lecture. Reste un projet original que nous recommandons !

Malte et Gravé – Il est mort le poète – Les Enfants rouges – 2014 – 16, 50 euros

Sweets

Sweets, Meurtres à la Nouvelle Orleans de Kody Chamberlain – Delcourt (2012)

Le contexte : la nouvelle Orléans qui attend que l’ouragan Katrina lui tombe sur le coin de la figure. Un tueur en série sévit dans les rues de la ville. Il laisse des pralinés sur chaque scène de crime. La presse le surnomme alors rapidement Sweets. Curt est un flic qui vient de perdre sa fille. Son boulot et son couple s’en ressentent violemment. Sa femme le quitte et il n’est pas loin de la porte. Cette affaire est pour lui l’occasion de se replonger dans le boulot, histoire de changer d’air. Il évolue alors dans une ville où la tension est palpable, autant par l’attente de la catastrophe que par l’angoisse liée à ces meurtres non élucidés. Cette ville où l’on croise la route d’un procureur peu recommandable, d’une proxénète mystérieuse  ou encore d’une scientifique au double jeu. Ses investigations vont le mener sur de nombreuses pistes dont certaines pourraient bien le concerner directement. 

L’auteur nous décrit une nouvelle Orléans sombre à souhait. Notre héros lutte contre les fantômes du passé mais son instinct de limier est plus qu’impressionnant. Il est bien plus malin qu’on ne le pense au début du récit. Il va nous aider à mieux comprendre cette ville, ses habitants et ce meurtrier. Le dessin de Kody sied à merveille à cette ambiance. Le crayonné trouble les visages et l’aquarelle laisse une impression d’éphémère. On apprécie aussi le travail effectué sur le tueur, son visage reste toujours indéfinissable, insaisissable. Parfait ! 

La fin nous a quelque peu dérouté mais l’ensemble de la BD est un vrai bonheur. On s’immerge dans une ambiance Sépia propice à tous les cauchemars. 

Kody Chamberlain – Sweets, Meurtres à la Nouvelle Orleans – Delcourt – 2012 – 14,95 euros

 

MaitrevoleurT1

Le Maître Voleur T1, J’arrête de Kirkman, Spencer & Martinbrough – Delcourt (2012)

Redmond est le plus grand voleur de tous les temps. Il n’a pas son pareil pour organiser les casses impossibles. Il n’est pas seul, Célia est son indéfectible complice. Il l’a formée à l’art délicat du vol et une relation ambigu les unit à présent. Alors qu’il prépare le casse du siècle, à Venise, il apprend que son fils a été arrêté pour trafic de drogue. Il va alors prendre une décision qui pourrait lui coûter la vie, celle de se ranger. Mais tout cela a des implications graves dans ce milieu, évidemment ! 

On sent la patte Kirkman dans cet ouvrage. Les personnages sont dépeints avec une belle acuité. Les envies, les rivalités, les espoirs et les déceptions sont autant de sentiments tangibles planche après planche. Et c’est bien cela qui fait le sel de l’aventure. On pourrait d’ailleurs reprocher un rythme un peu lent et une narration un peu bordélique dans les premiers chapitres de l’aventure mais rapidement les choses se mettent en place … Encore mieux, les ficelles, que l’on pourrait trouver un peu grosses au début, se révèlent au final plus habiles que l’on ne croit. La dernière partie de l’album vous réserve d’ailleurs une belle pirouette scénaristique, certes plutôt classique mais très plaisante. Enfin, le dessin est parfait, il se concentre sur les visages leur donnant toutes les expressions possibles et imaginables, au service total du travail du scénariste. En bref, voilà un polar bien foutu, tout à fait digne de trôner sur les étagères de votre bédéthèque.  

Robert Kirkman, Nick Spencer & Shawn Martinbrough – Le Maître Voleur T1, J’arrête – Delcourt – 2012 – 14,95 euros

 

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Violette Nozière, Vilaine chérie de Camille Benyamina et Eddy Simon – Casterman (2014)

Années 30 à Paris. Les joies de l’après-guerre dissipées depuis belle lurette ont laissé place à la crainte d’un avenir incertain. Dans ces conditions la belle Violette, pas encore majeure a décidé de prendre son destin en main. La liberté, l’insouciance guideront ses pas tout au long des mois qui la mènent de mars 1933 à ce terrible mois d’octobre 1934. Une spirale parfois ascendante mais dont la courbe vire pourtant irrémédiablement vers le bas. Une descente aux enfers, avec son lot de brisures profondes qui changeront à jamais sa vie. Mythomane particulièrement prolixe, la jeune femme fera de son quotidien un espace de jeu dans lequel elle s’inventera des vies. De cheminot émérite son père deviendra ainsi ingénieur notable et sa mère première dame chez un grand modéliste. Tout aurait pourtant pu ou du changer lorsqu’elle apprend que de sa relation avec Pierre reste un corps meurtri frappé de plein fouet par la syphilis. La jeune femme fera pourtant abstraction de cette « pourriture » de l’intérieur, comme elle le dit elle-même pour accélérer encore plus sa vie désunie. Elle accumulera les relations, parfois avec de riches bourgeois, pour grappiller de l’argent là où elle le peut. Elle volera aussi ses parents pour vivre avec un certain Jean Dabin qu’elle aimera sans doute et qu’elle entretiendra durant les mois qui précédèrent sa chute. Une chute pour le moins radicale qui la mènera devant la justice pour le meurtre de son père et la tentative de meurtre de sa mère…

Dans une époque qui se cherche le procès de Violette Nozière défia la chronique. La presse qui s’empara de l’affaire médiatisera à outrance ce parricide en peignant un portrait au vitriol de la jeune femme fait d’une surenchère permanente dans la recherche du sensationnel. En partie pour ces raisons les plus grands auteurs de l’époque feront de ce fait divers un combat de tous les instants pour réhabiliter la jeune femme qui aurait été abusée par son père. André Breton, Louis Aragon, Marcel Aymé, Paul Eluard et bien d’autres encore stimuleront leur plume en bâtissant un saisissant portrait de Violette Nozière. Camille Benyamina et Eddy Simon, les deux auteurs de ce projet n’explorent pas cette trame pour se concentrer sur le personnage même de Violette, une jeune fille un peu perdue dans une société à la dérive. La construction du récit pousse de fait le lecteur à se questionner sur la personnalité de Violette, en lui permettant aussi de lui trouver des circonstances atténuantes. Loin de tout académisme, le dessin de Camille Benyamina s’impose comme une vraie découverte. Un trait qui laisse place à des volutes et des nuées graphiques au service d’un projet au sein duquel il se fond à merveille. Au final le trouble causé par la personnalité de la jeune fille dévoilée ici laisse sur le lecteur ce petit moment d’incertitude au cours duquel il s’interroge sur les limites entre noirceur et lumière qui transparait jusque dans le titre de l’album « Vilaine chérie ». Une belle réussite !

Camille Benyamina et Eddy Simon – Violette Nozière, Vilaine chérie – Casterman – 2014 – 20 euros

 

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Succombe qui doit d’Ozanam/Rica – Casterman/KSTR (2014)

La souffrance peut parfois se lire sur une image isolée qui interroge nos imaginaires éveillés. Sur les dits et les non-dits. Ici ce qui s’affiche de façon brutale à nos yeux, c’est cette main ensanglantée dont les phalanges arborent quatre clous plantés. Ce qui reste dans l’ombre c’est l’histoire qui précède la torture, l’acte de mutilation, les raisons tapies dans l’ombre qui ont présidés à l’horrible sentence. La main en question enrubannée dans un strap serré laisse entrevoir au moins une chose : Si l’homme devait être boxeur, cela ne surprendrait personne. Le poing fermé avec force laisse même penser qu’il y aurait un air de revanche à venir. Les destins peuvent parfois opérer des virages à 180°, et sans aucun doute cela sera le cas ici.

Lui c’est Laser Jo, un nom qui hume bon les années disco, avec le strass qui va avec. Un gros baraqué qui gère une casse poisseuse de façon plutôt anarchique. Ayant trouvé repos dans une pile de voiture prêtent à aller se compacter façon Césars, la pluie qui commence à tomber drue traverse la tôle et le réveille. Dans la bâtisse qui jouxte la casse se joue un scénario pas vraiment flamboyant. Des individus mal dégrossis ont pris possession des lieux. Ils viennent d’effectuer un menu larcin dans un village voisin et sont recherchés par toute la flicaille du secteur. A peine arrivé à l’intérieur Laser Jo se trouve pris à parti et ligoté. Mais, peu de temps après et avec une facilité déconcertante, il arrive à se libérer. Une toute autre histoire va commencer…

Des malfrats de pacotille à peine capables de braquer comme il se doit une régie scolaire d’un patelin sans âme, un ex-boxeur, ancienne gloire déchue dont l’ambition n’est pas la marque de fabrique, un lieu sale, sombre, pas sexy pour un sous, des histoires passées pas très roses non plus, voilà ce qu’essaye de nous vendre Antoine Ozanam dans Succombe qui doit. Le postulat de départ pourrait en faire fuir plus d’un. Pourtant c’est tout le contraire qui se produit au fil des planches que l’on parcourt d’abord par curiosité puis par l’envie d’en savoir plus sur les tenants et les aboutissants de cette sombre histoire qui nous réserve une chute à son image, tout à la fois sombre, déglinguée et purement décalée et jouissive. Les dialogues ciselés au cordeau, fouettent l’air. Ça ne s’embarrasse pas de formes et tant mieux. C’est du tac au tac, cru, acerbe, vif, qui tranche sec dans le jambon. Le dessin de Rica se fait lui aussi à l’image de cette histoire, incisif, expressif, sombre et toujours à la recherche du meilleur plan pour servir la trame. Dire que cet album est maitrisé et jouissif peut paraître bien mince au regard du plaisir que l’on prend à le dévorer…

Ozanam/Rica – Succombe qui doit – Casterman/KSTR – 2014 – 16 euros


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