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La BD du jour : La Dame de Damas de Filiu et Pomès

Le destin de la Syrie gouvernée depuis près d’un demi-siècle par la famille Al-Assad se voit mis en scène de manière tragique dans La Dame de Damas que nous propose le duo Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès, qui avait déjà travaillé sur Le Printemps des Arabes. Les deux hommes nous livrent ici un récit poignant autour de l’amour impossible de Karim et Fatima, destin qui se veut une porte d’entrée pour nous immerger au plus près de cette population syrienne qui souffre d’un conflit qui devient chaque jour plus meurtrier et plus sordide. L’album nous avait échappé à sa sortie en août dernier, il reste toujours au cœur d’une actualité sous tension…

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La Dame de Damas de Filiu & Pomès – Futuropolis (2015)

Banlieue sud-ouest de Damas. En cette fin d’année 2010 une partie de la population fête l’arrivée au pouvoir de Hafez Al-Assad dont le fils Bachar a pris la succession dix ans plus tôt. Dans les rues des hommes brandissent des photos des deux hommes en scandant leur nom. Dans une petite boutique non loin de là cette agitation ne perturbe pas l’ordre des choses. Deux femmes d’un certain âge y tiennent conversation et devisent de tout et de rien, du passé mais aussi de l’avenir représenté par la fille, Mona, une étudiante en secrétariat relativement « libérée » dans sa tenue vestimentaire, et par Karim lui aussi étudiant mais en médecine, de la gérante de la petite échoppe. Karim et sa famille n’adhèrent pas au régime de Bachar mais se font discret dans leurs opinions. Le jeune homme aime Fatima, une jeune femme qui pourtant, va devoir, contre son gré, épouser Bassel, dont la famille est engagée aux côtés de Bachar. L’amour réel des deux jeunes gens va devenir très vite impossible…
Peut-être personne d’autre que Jean-Pierre Filiu pouvait donner ce scénario à moudre à un Cyrille Pomès au trait inspiré qui parvient à offrir à nos yeux toute la tension d’une situation qui échappe à beaucoup, même encore aujourd’hui. Pour traiter du drame humain qui frappe la Syrie les deux auteurs nous proposent non pas un essai ou un reportage mais une fiction qui s’appuie sur les faits qui se déroulent en ce moment dans un pays meurtri dans la profondeur de sa chair. Le récit proposé ici peut ainsi mettre en avant une histoire d’amour – certes impossible – entre une femme et un homme qui s’aiment pourtant d’un amour sincère. Et c’est là tout l’intérêt de ce projet car si l’alignement de faits, d’horreurs, de massacres et de tout ce qui revêt le manteau de l’impensable peut nous permettre de saisir les enjeux majeurs d’un conflit qui oppose des intérêts politiques et géo-stratégiques bien réels, il en oublierait l’élément majeur : la donne humaine. Car sous les bombes lancées indifféremment par un camp ou l’autre, des femmes et des hommes continuent pourtant à vivre. Et ils le font avec sûrement plus de passion et d’envie car ils connaissent mieux que d’autres la valeur de chaque instant. Particulièrement bien documenté sans se faire lourd, le récit de l’historien Jean-Pierre Filiu débute ainsi par une longue poésie en prose ayant pour sujet La Dame de Damas nous proposant d’entrer dans cette histoire avec un œil plus sensible, plus relié au destin des hommes. Le reste laisse sans voix ou presque car, encore plus aujourd’hui, avec la multitude des évènements qui se sont déroulés depuis, même si on peut tenter de percevoir ce qui se joue sur le territoire syrien, nous ne pouvons qu’être éloigné des faits et de leurs conséquences directes. Les deux auteurs, sans en rajouter, nous le montre donc en insistant surtout sur l’impact réel sur les populations civiles premières touchées. Le dessin de Cyrille Pomès, qui joue sur une unité de couleur ocre, se fait immersif et totalement en phase avec ce qui se déroule sur le sol syrien, grâce au dynamisme insufflé sur chaque planche, grâce aussi à des découpages particulièrement denses qui accompagnent un texte qui pourrait paraître lourd ou indigeste mais qui pourtant s’intègre parfaitement dans ce récit. Un album qui devient de plus en plus essentiel de découvrir…

Filiu & Pomès – La Dame de Damas – Futuropolis – 2015 – 18 euros


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