Exotisme, richesses colorées des paysages lointains. Le voyage a toujours été source d’évasion, de découverte, de partage. Dans Kililana Song, Benjamin Flao pose son regard sur un village comme tant d’autres sur la côte africaine orientale. Par le regard d’un enfant le dessinateur offre au lecteur un récit teinté d’émotion où les individus possèdent chacun une petite histoire pour faire grandir celle de ce village en proie aux troubles. Avec Tsunami Pendax et Piatzszek livrent un récit fort sur les recherches effectuées par un jeune français en Asie pour retrouver sa sœur disparue alors qu’elle venait au secours des populations victimes du phénomène destructeur. Enfin note moins sombre et plus zen, le récit de voyage de Rémi Maynègre et Sandrine Garcia au Japon. Les déambulations d’un couple pour son voyage de noces au pays du Soleil Levan. Le tragique se mêle parfois à des bonheurs simples et purs lorsqu’on décide de franchir la petite sphère de notre monde connu…
Naïm n’aime pas l’école, et encore moins l’enseignement coranique. Alors que son frère tente par tous les moyens de le remettre sur le « droit » chemin, lui préfère déambuler dans la ville avec l’idée d’en apprendre plus sur ce qui s’y trame. Au travers de son regard, de sa vision d’enfant, c’est toute l’Afrique qui livre ses joyaux, ses portraits tendres et sincères, un brin naïfs mais hautement justes. Alors qu’il fuit pour la énième fois les invectives de son frère à qui il échappe sans trop de difficulté, il se rapproche du vieil Ali qui transporte dans son embarcation de fortune le corps d’un héros ancestral en la personne de Liongo Fumo dont la sépulture est menacée par un projet immobilier de grand luxe à destination d’occidentaux souhaitant se dépayser dans de futures résidences ultra-surveillées ne laissant pas entrer la misère environnante. Au contact des destins troublés de l’Afrique, Naïm découvrira la vie dans ses moindres méandres, et apprendra certainement à forger son opinion sur le sens à donner à son quotidien.
Le tsunami de 2004 a laissé des traces dans nos esprits. En partie en raison des dégâts colossaux qu’il a occasionné et des vies reprises par dizaine de milliers, ce qui pourrait être bien suffisant, mais aussi et surtout par la quasi inéluctabilité de l’évènement. Le tsunami fait partie de ces catastrophes imprévisibles qui laisse l’homme sans voix, sans aucun autre réflexe que celui de crier sa défiance en une nature qui lui joue de plus en plus souvent des tours au point de le faire douter du bon ordonnancement du monde. Le tsunami de 2004 aura donc brisé des vies. Directement par les flots de vagues tentaculaires qui se sont abattues en maints points de l’Asie au même moment plongeant des populations pas forcément préparées dans le plus grand chaos, et indirectement par les séquelles invisibles ou presque laissées derrière.
Après une étape de choix dans la capitale nippone, Rémi Maynegre et Sandrine Garcia, les deux auteurs de ce récit de voyage, poursuivent leur exploration du pays du Soleil Levant par l’exploration d’un lieu chargé de symbolique, le Koya-san. Site spirituel de première importance, il comporte pas loin de 120 temples bouddhistes datant de douze siècles qui composent un ensemble devenu lieu de pèlerinage majeur pour les Japonais et les touristes avides de plonger dans un univers de quiétude et de zénitude.
Les deux auteurs offrent dans ce riche album leur vision du site en livrant leurs impressions du moment. Plans larges ou serrés, exposition d’une nature luxuriante et préservée, c’est surtout les lieux qui inspirent les deux auteurs plutôt que les individus croisés au détour d’un chemin escarpé. Ils entendent ainsi faire revivre l’esprit des lieux avec leur ressenti et leur soif de découverte. Pour autant ce périple au Japon, qui n’est autre que le voyage de noces de nos deux auteurs, ne vire jamais au guide touristique comme ils le précisent en préambule. Il s’agit ici de la confrontation de fantasmes à la réalité de terrain. Le lecteur s’immisce donc dans l’intime d’un voyage et aperçoit une autre manière de raconter, exempte de tout un folklore mais aussi d’une rigueur structurelle que l’on peut parfois regretter sur d’autres projets de ce type. Voyage au Japon reste plutôt destiné aux amoureux de ce grand pays, mais les amateurs de beaux livres illustrés – celui-ci dans un superbe format à l’italienne qui met en valeur les panoramiques captés sur le vif – ne resteront pas insensible. Nous attendons donc la suite !
Rémi Maynegre et Sandrine Garcia – Voyage au Japon T2 : Koya-san – Ankama/CFSL Ink – 2013 – 25,90 euros