La planche à billets a donc commencé à tourner à plein pour Takahashi, qui recycle à l’envi le même scénario (un jeune garçon possédé par un esprit et entouré de la nana de ses rêves, de l’ancien voyou qui veut sauver sa sœur, de celui qui veut se venger et du méchant repenti affronte un grand méchant qui n’est pas vraiment un grand méchant mais cache un grand méchant encore plus grand et méchant), mais chaque série permet de découvrir une nouvelle innovation du jeu de cartes. Car le cœur de ce qui nous occupe ici, c’est que le jeu de cartes du manga est donc devenu réalité, et les têtes blondes s’arrachent à prix d’or les bouts de carton pour se les coller dans le museau, Yu-Gi-Oh! étant avec L5R et Pokémon (dont nous parlerons bientôt) l’un des rares jeux à collectionner qui résiste à Magic. Les bases sont à peu près les mêmes, mais YuGiOh a su y introduire des variantes plutôt intéressantes.
Chaque joueur commence avec 8000 points de vie (LP). A chaque tour, il pourra invoquer un monstre normalement en attaque, et découvert ou face cachée, et en défense. S’il n’y a pas de monstre en face, un monstre qui attaque déduit son score d’ATK des LP de l’adversaire, sinon il lui inflige la différence entre son ATK et celle du monstre adverse en position d’ATK (si elle est supérieure bien sûr) OU il détruit un monstre en position de défense, si son ATK surclasse la DEF de celui-ci (dans le cas contraire, son contrôleur perd des LP).
Pour corser le tout, les joueurs peuvent jouer des cartes magie, pour des effets ponctuels ou constants, ou des cartes piège, qu’ils peuvent poser sur le terrain de jeu au risque de les voir détruites. A savoir que le terrain de jeu est quadrillé, ce qui limite la place libre pour jouer des cartes. Quand un monstre est révélé, il peut aussi avoir un effet inattendu, comme en détruire un autre ou en invoquer spécialement un. Par ailleurs, les monstres ont des niveaux, et les plus hauts niveaux ne peuvent s’invoquer qu’en sacrifiant des plus petits.
Enfin, les monstres ont un type (bête, guerrier, elfe, zombie, etc) et un élément (foudre, lumière, eau, ténèbres, etc) qui influent sur les cartes qui peuvent les concerner.
Vous le voyez, le jeu est assez riche et vraiment bien fichu, ses grands ennemis étant à mon humble avis un marché noir qui s’est totalement emballé à une époque et le principe même du jeu à collectionner, aussi appelé « gouffre à thunes ».
Mais le jeu est là, bien là, et il est très bon.
Aussi, Konami ne s’est pas privé de faire de multiples adaptations vidéoludiques, selon les séries en cours : toutes ont été adaptées, et on y jouait en général un duelliste qui faisait son chemin dans l’univers de l’une des séries tirées de l’univers en améliorant son deck en achetant des paquets.
Ce Yu-Gi-Oh! Zexal World Duel Carnival fonctionne un peu différemment. D’abord, vous y jouerez un personnage parmi quatre. Il va suivre un petit « scénario » (il faut le dire vite), racontant sa participation au World Duel Carnival. Cela va consister éventuellement à affronter librement des adversaires, sauf pour certains matchs « clés » et les phases finales. Soyons clairs, les scénarios n’ont aucun intérêt et s’offrent en plus le luxe d’être parfois un peu chaotiques. La raison en est simple : pour la localisation en France, certains passages ont été supprimés. Tout simplement. Ainsi, il sera parfois fait référence à un élément dont vous ignorez l’existence mais pas un joueur nippon. De même, quand vous finirez un scénario, le jeu débloquera un nouveau personnage, jusqu’à atteindre le nombre de 12. Pas mal du tout. Mais au Japon, ce sont 40 joueurs et leurs decks prêts à jouer qui sont accessibles… Autrement dit, tout le casting du jeu. Alors, vous pouvez recréer tous les decks du jeu, mais c’était un plus indiscutable…
En attendant, à l’exception de 3 decks (Yuma, Astral et Zexal) qui se ressemblent beaucoup, l’ensemble est très hétérogène, avec des decks très intéressants, et des duels parfois serrés car l’IA joue vraiment pas mal du tout (pour une IA). On peut même dire que c’est probablement la meilleure IA que j’ai vue pour un jeu de cartes, et vous hésiterez parfois avant de tenter un coup de poker pour éviter un méchant retour de bâton. Mention spéciale pour le deck du Dr Faker, en mode suicidaire, assez délicat à prendre en mains, et au deck de votre avatar qui consiste à verrouiller le jeu sans que cela ne vous cause de tort. Vraiment très intéressant et assez jouissif pour qui apprécie le contrôle (même si Yu-Gi-Oh! est davantage un jeu de combos qu’autre chose, ce que traduit assez bien le gimmick de la série consistant à piocher la bonne carte au bon moment). Notons d’ailleurs que votre avatar a le look qu’il a dans TOUS les jeux de la série, et que les personnages que vous rencontrerez vont tous vous traiter comme si vous étiez dans le circuit depuis longtemps et aviez fait tout ce que votre avatar a fait dans les jeux précédents. Une bonne idée, amusante.
Enfin, si les monstres synchro sont peu présents, on note l’apparition des monstres XYZ (oui, cette série adore les appellations débiles). Ce sont des monstres qui, pour être invoqués, exigent qu’on sacrifie des monstres très précis (2 guerriers de niveau 4, par exemple), et au lieu de détruire les cartes sacrifiées, on les lui attache, pour que lui puisse s’en servir pour activer de nouveaux effets, sachant bien sûr que certains monstres « matériaux » ont des effets eux-mêmes lorsqu’ils sont employés de cette façon. Tout cela rend vraiment le jeu très intéressant à travers une mécanique originale et riche : on pèse chaque invocation, on réfléchit à sa chaine d’effets, on choisit un monstre plutôt qu’un autre en sacrifiant 500 points d’ATK au profit d’un effet plus opportun ; vraiment une très, très belle idée, et pardon d’y revenir mais quel dommage que Yu-Gi-Oh! ait ce modèle économique ruineux car c’est vraiment un jeu passionnant.
Bref, on a là un bon jeu, et même un très bon jeu, avec un mode libre agréable, un mode histoire pas déplaisant et un défi convenable. Mais, car il faut un mais…
D’abord, l’interface n’est vraiment pas très agréable, malgré l’écran tactile. Tout cela est confus, pas très pratique, et recréer un deck n’est pas toujours une mince affaire. Ensuite, nous l’avons dit, la localisation a emporté une partie massive du jeu avec elle.
Enfin, et c’est le point le plus délicat : qui est la cible ? Si vous êtes fans de Yu-Gi-Oh! JCC et avez envie de taper un carton virtuel, le jeu est totalement fait pour vous. Vous y retrouverez tout le sel de votre loisir. Si vous êtes joueur de cartes, vous finirez par trouver vos marques, et pouvez prendre un réel plaisir à ce jeu. En revanche, si vous êtes fan de Yu-Gi-Oh! mais n’êtes pas très féru de jeu de cartes (un comble), ou que vous cherchez un jeu de cartes sur console en amateur, passez votre chemin. Le jeu se fend à peine de quelques aides de jeu beaucoup trop maladroites, et à moins d’une détermination bien réelle, le jeu risque de beaucoup vous frustrer. Je ne vous dis pas de ne pas le faire, mais vous êtes prévenus.