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Detroit : Become Human : être ou ne pas être…
A la recherche de l'âme mécanique.

NOTE DE MaXoE
9
VOTE DES LECTEURS
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Depuis une bonne dizaine d'années, David Cage, grand ordonnateur du studio Quantic Dream, est devenu une figure charismatique et influente du secteur vidéoludique. Pourtant, son choix de privilégier des jeux essentiellement narratifs plus proches de la production hollywoodienne que du jeu classique est loin de faire l'unanimité auprès de la communauté des joueurs, certains étant rebutés par des titres comme Heavy rain ou Beyond Two Souls ne proposant que des gameplays embryonnaires. Mais d'autres n'hésitent pas à crier au génie considérant que ces titres constituent le chaînon manquant entre la production cinématographique et le jeu traditionnel. Detroit : Become Human se propose de franchir un nouveau pallier dans cette direction. Autant dire que les adeptes du core gaming peuvent déjà passer leur chemin. Pour les autres, Detroit : Become Human risque de faire l'effet d'une bonne claque ! A noter que le titre tombe plutôt bien : il est sélectionne pour notre festival et il entre pleinement dans notre focus "dystopie".

Silence, on tourne… Action !

Avant de rentrer dans le vif du sujet et de décortiquer cette nouvelle production, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les mécanismes mis en œuvre dans les jeux concoctés par David Cage. Tout comme Heavy Rain ou Beyond Two Souls, Detroit : Become Human s’apparente donc davantage à une sorte de film interactif qu’à un jeu vidéo. L’idée générale est d’immerger le joueur dans une histoire dotée d’un scénario haut de gamme et de lui permettre d’influer sur son déroulement par ses choix multiples. En clair, chaque décision que vous prendrez aura un impact sur les évènements et sur l’évolution de l’intrigue a priori non directive. De la sorte, une partie ne saurait exactement ressembler à une autre ce qui se concrétise d’ailleurs par un éventail de fins alternatives. Pour schématiser, il s’agit un peu du même principe que les antédiluviens « livres dont vous êtes le héros », le son et l’image en plus !

Par ailleurs, Quantic Dream s’est toujours attaché à une proposer une réalisation de haute volée avec un montage très cinématographique, des graphismes au plus près de ce que l’on peut appeler du photoréalisme et surtout un casting quatre étoiles avec la participation de stars hollywoodiennes comme  Willlem Defoe ou Ellen Page dont les avatars motion capturés à la perfection avaient décroché les mâchoires de nombreux joueurs. Et David Cage l’avait promis dès le début de sa conception, Detroit : Become Human pousserait cette logique encore plus loin en franchissant un nouveau pallier dans l’excellence. Promesses, promesses ?
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Philip K. Dick)

Nous sommes en 2038, dans cette « sympathique » ville de Detroit autrefois bien connue pour son industrie automobile qui lui valut le surnom de Motor City mais qui traîne également derrière elle une réputation de cité déclinante au climat social tendu et incertain. Dans ce futur proche, une nouvelle composante sociale a fait son apparition : les androïdes. Atteignant une maîtrise technique incomparable, la société Cyberlife a ainsi crée de véritables êtres artificiels ressemblant à s’y méprendre à des humains si ce n’était cette puce située au niveau de leur tempe et une expression faciale relativement « neutre ». Très rapidement, ces « robots » ont bouleversé les habitudes de chacun et se sont vus attribuer les tâches les plus pénibles qu’ils accomplissent sans rechigner avec une efficacité sans faille. Pourquoi s’échiner à s’occuper de la maisonnée quand on peut se procurer dans la boutique spécialisée du coin un androïde faisant le ménage, les courses et la cuisine… Malheureusement, l’utilisation exponentielle des androïdes produit ses effets pervers… Utilisés dans toutes les branches de métiers, ils contribuent largement à la production d’un chômage de masse et à une paupérisation d’une partie de la population d’où l’émergence de mouvements contestataires réclamant la mise au rebut de ceux qu’ils jugent responsables de leur infortune.

Plus grave encore, ces êtres dociles et ne connaissant pas la douleur ont tendance à réveiller les plus bas instincts de leurs propriétaires qui n’hésitent pas à les maltraiter, les injurier ou même simplement les détruire. A bien des égards, ces androïdes dépourvus a priori d’émotion et de libre arbitre ressemblent plus ou moins à ce qu’il convient d’appeler des esclaves. Après tout, ce ne sont que des objets…  Petit problème ou gros bug,  il semblerait que certains de ces êtres synthétiques développent peu à peu une conscience et n’acceptent plus véritablement leur sort. Et au regard de la barbarie ordinaire dont ils sont les victimes, ces esclaves du futur apparaissent parfois plus humains que leurs « maîtres ». Comme vous pouvez le constater, nous sommes très loin d’un scénario décérébré mais plutôt face à un postulat propice à tous les développements et à tous les questionnements pseudo philisophiques. Bien sûr, les mauvaises langues hurleront rapidement au plagiat. David Cage n’a rien inventé et les thèmes développés par Detroit : Become Human sont les mêmes que ceux évoqués dans le séminal Blade Runner ou encore plus récemment dans la série Westworld. Mais une telle critique relève franchement de la mauvaise foi dans la mesure où la SF, et en particulier l’élaboration de mondes dystopiques, fonctionne le plus souvent à partir de thèmes récurrents et bien établis. Charge aux auteurs de proposer leur propre déclinaison et d’apporter leur « valeur ajoutée ». Et en ce sens, Detroit : Become Human parvient avec une certaine maestria à nous interroger sur ce qu’est l’essence de l’humanité et sur la volonté de puissance amenant à asservir le plus faible ou le plus fragile.

Maître du jeu.

Detroit : Become human choisit de ne pas se centrer sur un personnage principal mais de s’articuler en trois arcs narratifs distincts vous permettant de suivre les trajectoires de trois androïdes. Nous suivrons ainsi Connor, un négociateur et enquêteur intégré aux services de police de la ville, Markus un auxiliaire de vie veillant sur un artiste renommé mais frappé de handicap et surtout la douce Kara, une androïde à tout faire sous la coupe d’une brute épaisse, sans emploi et exprimant ses multiples frustrations en battant sa petite fille. Chacun de ces personnages va être confronté à des situations qui les amèneront à réveiller sa part de sensibilité et d’humanité, expérience traumatisante pour ces créatures jusqu’alors persuadées de n’être que des assemblages de circuits imprimés et de matériaux biosynthétiques. Bien évidemment, leurs destinées respectives sont intimement liées et il faut reconnaître que les différentes trames scénaristiques s’imbriquent remarquablement. On a souvent reproché aux productions de Quantic Dream une certaine lourdeur, Heavy Rain et Beyond Two Souls appuyant parfois lourdement sur les cordes sensibles en enchainant les scènes larmoyantes. Detroit : Become Human fait ici preuve de davantage de finesse tout en proposant des séquences à forte charge émotionnelle. Franchement, il est assez difficile de ne pas vivre intensément le parcours des personnages et leur initiation à l’humanité. D’autant que des acteurs d’envergure ont prêté leur physique et leur talent pour incarner les différents protagonistes. On retrouvera avec plaisir Clancy Brown en inspecteur de police désabusé, Lance Henriksen en artiste diminué par la maladie et la très prometteuse Valorie Curry que l’on avait déjà croisée dans la série The Following. Mais le gros plus de Detroit : Become Human réside dans ce fameux concept de choix multiples impactant le déroulement de votre aventure, une décision prise lors d’une séquence pouvant grandement influencer un évènement situé bien plus en avant sur la timeline. D’ailleurs, à la fin de chaque chapitre, il est possible de visualiser l’arborescence scénaristique et les multiples ramifications que vous auriez pu emprunter si vous aviez choisi d’agir différemment. En outre, il est possible, une fois le jeu terminé, de revenir sur n’importe quelle séquence pour emprunter une autre voie : l’astuce est intéressante même si l’on peut douter que beaucoup de joueurs s’essaieront à l’exercice.

Triangle, croix, carré.

Evidemment, Detroit : Become Human ne propose pas un gameplay évolué. Les mauvaises langues iront même jusqu’à dire que le titre n’offre pas de gameplay du tout ! La plupart du temps, il s’agit surtout de mener ses protégés vers des phases de dialogues permettant par ailleurs de profiter d’une VO impeccable et de modélisations faciale à couper le souffle. Pour le reste, il suffit surtout d’appuyer sur quelques boutons ou d’orienter la manette afin d’effectuer des actions basiques voire terriblement banales. En effet, Detroit : Become Human persiste dans ce parti pris déjà observé dans Heavy Rain de reproduire les gestes les plus quotidiens comme allumer une lampe, ouvrir un réfigérateur ou même faire la vaisselle. Paradoxalement, une certaine poésie émane de cette épure… Enfin c’est une affaire de goût… On retrouve également quelques « énigmes » à résoudre, encore que ce terme soit quelque peu inadapté au regard de la facilité de celles-ci. Par exemple, Connor pourra analyser certains indices afin d’opérer à une reconstitution virtuelle de tel ou tel crime. Le jeu propose aussi quelques scènes de combat ayant recours à des QTE extrêmement simplifiés. Vous l’aurez compris, là n’est pas l’essentiel et c’est surtout votre capacité à vous immerger dans une histoire qui sera mise à contribution. A cet égard, on retrouve un peu les sensations déjà éprouvées dans un Life is Strange qui jouait déjà grandement  sur l’empathie que vous pouvez éprouver pour les diffèrents personnages.

Une beauté venue d’ailleurs…

Il est difficile de ne pas terminer ce test en évoquant la dimension purement technique de Detroit : Become Human. Inutile de tergiverser, c’est du grant art ! Bien évidemment, la modélisation des personnages est surprenante de réalisme et les visages sont particulièrement bluffants en raison d’une maîtrise totale des textures ou des éclairages. Les angles de vue et le montage de certaines séquences font de ce jeu un véritable film digne des productions à gros budget. Les décors sont également particulièrement soignés et les environnements fourmillent de détails et de trouvailles permettant de donner un caractère extrêmement convaincant à cette vision desespérée de notre futur proche. Honnêtement, chaque plan propose sa petite idée originale qui évite toute lassitude. Au final, Detroit : Become Human propose un univers très cohérent amalgamant avec élégance une vision futuriste de notre société et le retour aux vieux démons ségrégationnistes que les Etats-Unis ont malheureusement bien connus. Voir ces androïdes parqués dans les transports dans des espaces réservés fait inévitablement penser à des images tristement célèbres. History repeating ?

NOTE MaXoE
9
VOTE DES LECTEURS
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Detroit : Become Human n'est pas simplement un jeu. C'est une expérience assez unique en son genre qui vous permettra, si vous acceptez le concept ludique proposé, de vivre une aventure à la fois intelligente et remarquablement écrite. Et qui sait, peut-être qu'un jour ce genre de production viendra titiller l'industrie cinématographique voire la supplanter ? Si tel devait être le cas, David Cage et le studio Quantic Dream pourront légitiment se considérer comme de véritables pionniers en la matière.
ON A AIMÉ !
- Un univers glaçant et cohérent.
- Un design particulièrement léché.
- Une réalisation cinématographique de haute volée.
- Un casting quasi parfait.
- Une écriture plus fine que celle de Heavy Rain et Beyond Two Souls.
- L'arborescence de choix multiples.
- Des thématiques qui questionnent...
ON A MOINS AIMÉ...
- Pas de vrai gameplay. Mais c'est tout le concept...
- Quelques passages un poil lourdingues.
- Une rejouabilité très discutable voire nulle.
Detroit : Become Human : être ou ne pas être…
Detroit Become Human
Editeur : Sony Interactive
Développeur : Quantic Dreams
Genre : Aventure narrative
Support(s) : PS4
Nombre de Joueur(s) : 1
Sortie France : 25/05/2018

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