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La BD du jour : Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh

Clémentine, une jeune fille de 15 ans s’éveille à l’amour. Elève en classe de seconde elle se rapproche d’un garçon qui tourne autour d’elle et qui fait rêver ses amies, mais pourtant elle semble plus attirée par cette mystérieuse inconnue aux cheveux bleus rencontrée dans la rue. Amour impossible ? Le regard de la société aura-t-il le dernier mot face à la profondeur des sentiments ?

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BleuAssise dans un bus urbain une jeune femme au regard perdu semble sonder ses souvenirs. La tristesse la recouvre presqu’entièrement et les mots s’égrènent. Doucement. Comme pour mieux poser le contexte : Mon amour, quand tu liras ces mots j’aurai quitté ce monde. Je ne vais pas redire ici tout ce que tu sais déjà, tout ce que j’ai pu t’écrire dans de précédentes lettres ou pendant toutes ces années passées dans ta chaleur (…) Grâce à toi je pars sereine et je ne remercierai jamais assez le ciel de t’avoir rencontrée. J’ai demandé à ma mère de mettre sur mon bureau, pour toi, ce que j’ai de plus précieux : mes journaux intimes. Je veux que ce soit toi qui les converse, il y a là tous mes souvenirs d’ado’ teintés de bleu. Bleu encre bleu azur bleu marine bleu klein bleu cyan bleu outremer… Le bleu est devenu une couleur chaude. Elle, c’est Emma, la fille aux cheveux bleus. Celle qui a surgit tel un éclair dans le quotidien de Clémentine au point de semer le trouble dans ses sentiments les plus profonds. A un âge où les premiers frémissements amoureux s’éveillent, que l’on cherche à savoir qui l’on est, où l’on va, cette rencontre possède toute son importance. De cet instant furtif reste pour Clémentine l’image de la fille entr’aperçue dans la foule urbaine, de ce bleu qui sonne comme un océan tout à la fois chaud et remuant, propre à perturber des vérités sensées s’imposer comme postulats, sauf que les sentiments ne se fondent pas sur des certitudes acquises ou transmises mais sur ce petit scintillement qui prend forme au fond de chacun d’entre nous. L’amour n’a ni règle ni frontière, il peut bousculer chaque être, s’immiscer dans les venelles les plus étroites et hermétiques de nos émotions pour imposer de nouvelles donnes. Pour Clémentine les sentiments encore troubles qui se forment en elle, poussée dans les bras de ce garçon de terminale un tantinet maladroit, sûrement sincère et amoureux, vont subitement vaciller. Elle devra lutter encore contre cette appréhension face au Qu’en-dira-t-on ?, face au regard de ses proches, parents, amis, qui ne semblent pas ou peu comprendre. Pourtant, et malgré les doutes qui la parcourent, la jeune femme découvrira assez vite que l’amour ne peut rester enfermer…

Lorsque sort en 2010 Le bleu est une couleur chaude, Julie Maroh ne s’attend peut-être pas à faire une entrée remarquée sur la scène du neuvième art. Ce premier album construit autour d’un sujet délicat et personnel laisse le climat se poser délicatement. Le sujet n’est pas foncièrement nouveau mais la façon dont l’auteur aborde l’homosexualité féminine, sans tabou, en se laissant le temps de dépeindre les troubles et les doutes qui traversent son héroïne, en disséquant aussi la façon dont l’entourage peut réagir face à son choix, le tout décliné avec force et poésie, fait de ce récit un témoignage poignant sur nos propres libertés. Julie Maroh n’a pas voulu dénoncer l’intolérance ou provoquer. Les scènes intimes sont plus suggérées que montrées et ne sont là que pour dépeindre l’amour qui prend corps et se renforce entre Emma et Clémentine. Et c’est peut-être cela qu’il faut retenir, Le bleu est une couleur chaude est avant tout un récit d’amour. Un de plus peut-être mais décliné avec sensibilité dans une société qui n’accepte pas toujours les différences. Freud disait que parfois « des pensées surgissent subitement dont on ne sait d’où elles viennent : on n’est pas capable non plus de les chasser ». Clémentine ne pourra chasser son amour pour Emma parce qu’il est sincère, profond et exempt de tout calcul. Le récit prendra peut-être en chaque lecteur un sens qui lui sera propre. Chacun se l’appropriera, avec sa sensibilité, sa vision, sa tolérance, son vécu aussi pour faire autant de déclinaisons possibles. Et, si aujourd’hui encore nous parlons de cet album, c’est peut-être que tout n’a pas été dit, qu’il recèle des sens qui se développent au regard de nos histoires personnelles…

Julie Maroh – Le bleu est une couleur chaude – Glénat – 2010 (réédition 2013) – 17,50 euros

Pour aller au-delà nous vous proposons ce même jour la chronique du film La vie d’Adèle réalisé par Abdellatif Kechiche. Le prolongement de la BD avec une approche d’auteur du récit original.  


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