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Une BD sous le bras : L’opéra recomposé selon Paul et Gaëtan Brizzi (interview exclusive)

Explorateurs des sens et des symboles, les frères Brizzi ont tissé une œuvre protéiforme d’une importance majeure, aussi bien dans l’animation que dans l’illustration pure ou la composition graphique. Parisiens d’origine, ils exposaient naturellement en mai à la galerie Daniel Maghen, une évidence pour eux et une confrontation à un public qui découvre une autre facette des deux artistes…

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OpérasIl est des airs de musiques qui restent longtemps en tête comme si l’histoire qu’ils nous narrent, par l’entremise improbable de notes subtiles, renvoyait sur nous toute la dramaturgie du moment. L’opéra nous parle souvent par sa mise en scène et la faculté de ses acteurs à émouvoir. Par leur fragilité ou leur force, leur capacité à faire de l’instant un de ces moments figés qui pourrait nous maintenir dans un ailleurs féérique, par la pureté d’une voix cristaline qui nous prend aux tripes ou cette autre, plus grave, qui nous rappelle à une réalité que nous feignons de repousser pour garder la magie de ce moment unique où, placés dans un no man’s land fantasmagorique, délicat, chaud et par trop rassurant, nous ignorons le temps. Car c’est de cela qu’il s’agit : la musique retient le temps. Et ce faisant elle le dompte, non pour le maintenir dans une boite hermétique mais pour nous offrir cette possibilité de conjuguer nos sentiments à la perception qui nous vient de front. Rien ne sera plus comme avant, et cela dure depuis un certain temps déjà, lorsque les premiers magiciens couchaient sur le papier leurs arrangements détonants et leurs mots propres à nous figer dans un état lymphatique ou émerveillé. Loin de coller à la réalité qu’il triture, concasse de ses notes lancées à la volée, l’opéra crée le lyrisme par des scènes, des tableaux qui nous prennent aux tripes.

C’est cela, et plus encore qu’évoquent pour nous Paul et Gaëtan Brizzi. Le rapport à la musique et quelque chose d’évident pour eux, comme un lien qui stimule en permanence leur imaginaire. Nous nous souvenons tous de la scène finale de Fantasia 2000, dans laquelle les deux frères donnaient vie à la nature, une nature mouvante qui prenait les traits d’un oiseau de feu… Dans Opéras, exposition commandée par la Galerie Daniel Maghen, ils poursuivent le travail qui les lie à la musique et plus particulièrement à l’Opéra. L’exposition porte le simple nom d’Opéras – au pluriel -, un S qui expose tout l’intérêt des deux frères pour le genre et surtout pour certaines des œuvres qui le compose. Ici le travail est porté sur la symbolique dramatique de moments de vie où tout bascule. Pour se faire Paul et Gaëtan poursuivent l’exploration de deux traitements qui leurs sont chers : la lumière et le mouvement. Chaque œuvre composée spécialement pour cette exposition offre un support à l’expression de ces intérêts, comme une évidence, comme pour dire que, même dans le plus profond abysse qui existe sur Terre, il est encore possible de voir cette lueur qui nous raccroche à la vie. Les œuvres choisies par les deux illustrateurs font partie du patrimoine mondial de l’Opéra : Madame Butterfly, La Tosca, Falstaff, Aida, La Traviata, Macbeth, Boris Godounov, Carmen, Don Juan, La Flûte enchantée, L’Anneau du Nibelung, Salomé, et Pagliacci, autant d’œuvres fondatrices revisitées par deux auteurs réceptifs au sens, à la symbolique fantastique qui transpire de chaque instant, de chaque note. La jeune fille n’est jamais loin, elle se confronte à la mort. Une mort qui est omniprésente, sujet-force de l’opéra, peut-être parce que, comme le dit si bien Gaëtan, le bonheur n’intéresse personne, ce qui passionne les gens c’est lorsque ça se passe mal, et pourquoi ça se passe mal… Dans cette oraison funeste les deux illustrateurs tirent le côté poétique et symbolique qui alimente l’imaginaire et la passion pour l’œuvre. Comme une évidence…

L’exposition a donné lieu à l’édition d’un riche catalogue qui reprend les œuvres composées pour l’occasion. Ce superbe et luxueux ouvrage à l’italienne, façonné à la manière d’un livret d’opéra, révèle aussi le processus créatif qui a conduit à la réalisation du tableau final. Essentiel pour entrer dans cet univers subtil de deux artistes français majeurs de notre époque…

Paul et Gaëtan Brizzi – Opéras – Edition Daniel Maghen – 2013 – 40 euros

 

Paul & Gaëtan Brizzi – L’interview

 


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