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Budam, le chanteur venu du froid…

En un peu moins de trois ans et deux albums, dont le dernier, Man, vient de sortir, Budam aura réussi l’improbable pari de s’inscrire dans le cercle très fermé des musiciens qui proposent un univers riche et protéiforme sur lequel se décline une musique qui mêle avec une admirable homogénéité les accents les plus fous et les airs qui trottent longtemps en tête. Un condensé d’énergie et de trouvailles mélodiques pour un patchwork musical jubilatoire.

Tout commence mal pour ce guitariste curieux qui parcourt le monde pour assimiler, s’approprier et mêler les rythmes venus d’ailleurs à sa musique. Victime d’un accident au poignet lors d’un séjour à Cuba, Bùi Dam, le guitariste deviendra Budam, le chanteur/conteur ensorceleur venu des îles Féroé. Ce petit archipel du froid, coincé entre l’Ecosse et l’Islande peut se targuer de posséder l’une des communautés artistiques les plus denses de la planète. Nous connaissions Kristian Blak, pianiste féringien et directeur du label Tutl qui révéla notamment la chanteuse Eivør Pálsdóttir, présente sur l’album Man, mais aussi tout un tas de créateurs issus du rock, du jazz, des musiques libres ou classiques. C’est à partir de ce catalyseur d’énergie que des talents comme celui de Budam ont pu voir le jour.

En 2008, le chanteur est invité à partager la scène avec Yann Tiersen aux Transmusicales de Rennes. Une rencontre qui le révèle véritablement au public français. Quelques mois plus tard sort le premier album, Stories of Devils, Angels, Lovers and Murderers, qui présente un artiste aux multiples facettes, tantôt déployant une énergie et une ambiance cabaret à la Tom Waits, tantôt se faisant plus mélancolique. Cette ambivalence, cette richesse des climats est la base de la musique de Budam. L’artiste offre, plus que de simples chansons enchaînées, de véritables contes/odes puisant dans une mythologie retravaillée et réjouissante par sa fraîcheur. L’univers de Budam est singulier. Il est fait d’une recherche esthétique pointilleuse au service d’une musique délurée et très ouverte. L’artiste nous démontre avec son dernier album, Man, publié par Volvox records, qu’il n’a pas peur d’aborder des thématiques aussi riches et symboliques que la nature (il vient d’un pays où la nature est le centre de toute chose), la religion, l’amour et la mort, le tout décliné sans aucun tabou. Une fragilité, une dose de nostalgie, une passion naît de tout ce magma musical. Elle ne peut qu’émouvoir. Et là où l’émotion s’installe, le message n’en devient que plus fort. Dès lors nous aurons compris que l’artiste s’inscrit dans la veine de ces bricoleurs/agitateurs qui proposent, qui prennent les risques propres aux créateurs pour affirmer et porter un message. Si celui-ci peut nous sembler sombre, il a le mérite de nous questionner.


28 avril 2011, présentation de Man à Paris au 104

A l’occasion d’une résidence au 104, à Paris, Budam a proposé au public français de découvrir en live son dernier album. Le lieu de lancement véritable de Man est chargé de symbolique puisque cette salle du nord parisien mêle larges espaces, contemporanéité et légèreté au service de la création. Des thèmes qui ne sont pas étrangers à l’univers de l’artiste féringien.

Budam au-delà d’une voix possède l’âme d’un metteur en scène. Il aime en effet scénariser ses concerts pour nous inviter à partir avec lui dans un voyage au long cours. Pas de grandiloquent, la poésie prend forme avec trois fois rien, des billes enfermées dans une main qui retrouvent leur liberté, une boule argentée qui s’élève vers le ciel comme pour signifier son aliénation. Un collier de billes sans fin qui enveloppe le coup du chanteur. Le lien c’est sur cela que Budam veut insister. Il prend alors la forme de ce couvre fauteuil qui entoure et retient la jambe de l’artiste (pour l’empêcher de fuir ?). Avec une maîtrise totale des effets le musicien nous invite ainsi à nous questionner sur notre positionnement face aux réalités du monde. Là où les facilités s’installent, ne devons nous pas réagir et crier notre envie de ne pas sombrer dans les abymes de l’indifférence ? Budam criera ainsi son refus de s’enfermer dans ce vide destructeur, il se déliera de façon majestueuse pour faire entendre sa voix sur The Bicycle.

Tonight we´ll see the light on a bicycleride
Tonight we´ll see the light on a bicycleride
Raise your hands up high, close your eyes
and sing halleluja
(The Bicycle)

Le public conquis accompagne l’artiste, fredonne et prolonge The Fly (If thought is life and strength and breath/And the want of thought is death/Then am I a happy fly/If I live or if I die) siffle en rythme pour réussir à décocher un sourire des lèvres du musicien. Les autres titres de l’album s’enchaînent avec énergie et sensibilité. Accompagné sobrement d’un batteur/acteur et d’un pianiste, Budam délivre son message avec subtilité mais aussi exubérance, une façon de concevoir la vie sans œillères, avec cette envie de comprendre, d’apprendre. Un partage donc, car la musique de Budam est partage. En capitaine du navire, le musicien ouvre la voie, nous donne des directions vers lesquelles il est possible de bifurquer pour être maître de notre propre destin. Là est la clef. Le concert s’achève après une petite heure et un rappel au cours duquel il revient seul pour chanter sans accompagnement.

Un de ces trop rares grands moments qui agitent nos oreilles et plus que cela nos esprits. Un artiste à suivre pour ce qu’il propose et au-delà pour ce qu’il est.  

Photos : © Sébastien Moig



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