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Soirée d’inauguration du « Bar Project Ballantine’s » au Chacha Club

Début Février, la marque de Blend Whisky Ballantine’s a proposé l’opportunité aux jeunes entrepreneurs créatifs  de participer à un concours original qui consiste à imaginer le concept d’un bar idéal. Le cahier des charges : créativité, attractivité et lien avec la marque. Parmi les trois projets sélectionnés par le jury « d’experts », c’est finalement Abderrahim El Asfar qui remportera le plus de succès auprès des internautes avec « L’épicerie Ballantine’s ». Le concept consiste à choisir directement des fruits et légumes supposés du marché dans son cageot, pour ensuite les donner au barman qui va confectionner la « chose » avec le whisky écossais.

L'Epicerie Ballantine's

Avant tout propos, je tiens à préciser que pour des raisons personnelles, les termes « Hipster« , « Bobo » et « hype » ne seront pas utilisés une seule fois dans cet article. Et cela même s’il aurait été fort pratique d’en faire usage ici.

L’inauguration de l’épicerie avait lieu au Chacha, qui sera le lieu d’accueil pour ce bar éphémère ouvert du 5 Septembre au 15 octobre 2014. C’est donc dans ce club du 1er arrondissement de Paris que je me suis rendu, à la fois intrigué par le projet et en même temps très sceptique sur son véritable intérêt.

Je tiens sincèrement à m’engager pour décrire au mieux cette soirée de lancement, et cela sans faire de cynisme ni de critiques arbitraires sur les catégories socio-culturelles qui alimentent les nuits parisiennes. En déclin qui plus est.

Non, je plaisante.

Le Chacha donc, est une sorte de temple de la nuit assez privé qui accueille habituellement une population branchée et éventuellement une certaine catégorie de gens du showbiz. Vous savez, ce genre d’endroits, où l’on considère que si l’on vous a donné l’opportunité de rentrer, c’est déjà une faveur en soi. Il serait donc vraiment déplacé de votre part d’espérer que le staff soit agréable et sympathique à votre égard. Mis à part le service, l’endroit se veut pourtant plaisant : un appartement de plusieurs niveaux dans un style boudoir des années 30, avec une déco vintage assez intéressante. Un endroit polyvalent, où l’on peut diner, boire un verre et danser jusqu’à six heures du matin.

Après avoir pu apprécier une partie du live de la chanteuse pop-rock-indé Owlle, je me fraye un chemin tel un funambule ivre qui traverse une faune tropicale en pleine sénescence. Certaines espèces avaient, de source sûre, consommé autre chose que du Red bull comme énergisant. En ce qui me concerne, l’appel d’un whisky aux fruits frais commence à me faire l’effet d’un étrange mirage nocturne. Le moment où je me suis dit « Je suis déjà bien fait, mais je me verrais bien choisir des fruits, des petites épices et mélanger ça avec un whisky« . Histoire de mixer du sain et du malsain, tout ça. Bref j’ai soif, il fait (vraiment) chaud et je me décide à partir à la conquête de cette fameuse « épicerie Ballantine’s ». Je tombe sur Cerbère qui garde la porte de l’endroit. Ce n’est pas un chien à trois têtes mais il ne se veut pas moins agressif pour autant. Il s’agit d’être patient, le lieu est saturé. C’est une fois arrivé en haut qu’on comprend que « saturé » signifie qu’il y a un peu plus de dix personnes dans la pièce.

Je me retrouve enfermé entre quatre planches de bois contreplaqué, une chaleur étouffante et des murs de légumes plus décoratifs que comestibles à mon goût. Rajoutez à ça des gens avec des chapeaux bizarres en manque de vitamines et c’est le bon vieux cauchemar de gosse qui se réalise. Mais je ne perds pas espoir, il y a bien un barman -super occupé- qui prépare des breuvages au bout de la pièce. Je saisis donc un cageot et commence à sélectionner des fruits humbles et simples. Je précise, car un peu plus loin, un ambitieux sans doute fou, avait dans son panier une courgette, un poivron rouge et quelque chose ressemblant vaguement à du manioc.

Il faudra un peu plus d’une heure pour atteindre le bout de l’interminable queue de sept personnes. Oui, nous étions dix, mais trois ont abandonné le petit jeu. Deux par lassitude et un pour cause de déshydratation. Je m’accroche à mon cageot comme à la vie. J’oublie mon honneur et me remémore ce vieux principe que j’avais adolescent : JAMAIS on n’abandonne quand de l’alcool gratuit est en jeu. Je communique mentalement avec mon ami : « Ça y est, on va l’avoir ce cocktail, bon ou pas, je le sifflerai, tu sais. » Et me voilà bousculé volontairement par un coq qui me somme de le laisser passer lui et toute la basse-cour qu’il a convoqué. Ariel Wizman passe alors derrière le bar pour y effectuer de passables pitreries qui ont l’air de réjouir les dix photographes transformés en paparazzi fous en cet instant. « Oui, tiens la courgette Ariel, c’est trop marrant comme photo hihihi« . Cela se calme un peu, le temps d’échanger quelques mondanités ringardes sur les people d’antan puis Maxime Musqua (animateur sur Canal+) débarque et  le Cirque Pinder se remet en place. Il fait désormais une chaleur de légume abstrait et je suis toujours avec mon cageot de pamplemousse à la main. Le chroniqueur du Petit Journal fait aussi le pitre mais au moins il tente de faire un cocktail. Au milieu de ce chaos ambiant, je commence à anticiper la chose comme une hyène assoiffée. « Qui veut goûter à ma création ?! » dit-il d’un ton joueur. J’ai bien entendu attrapé le verre que j’ai éteint en trois gorgées et qui avait un goût de rien. Peu importe, c’était liquide.

C’est finalement la piteuse vanne d’un photographe qui a fait flancher le potentiel fun de la scène : « Prenez le seau à champagne et on fait le Ice Bucket Challenge !« . C’est donc naturellement sur cette phrase que s’est clôturée l’ambiance. J’ai donc pu laisser une deuxième chance à la barmaid expérimentée de se rattraper sur un nouveau cocktail. Cinq minutes plus tard, même aspect orange vitreux qu’avec le verre de Maxime Musqua. Et puis même goût aussi d’ailleurs. Ni bon, ni mauvais, juste un amer goût de néant. A vrai dire, je m’attendais plus à une sorte de smoothie épais avec une pulpe fraiche. Je me suis retrouvé avec un triste Berocca au whisky.

Etant donné que l’espace s’est un peu vidé, je prends le temps de rejeter un coup d’oeil à l’endroit en attendant mon ami. En sirotant mon verre à la table installée au milieu, je conclus sur mon impression :  j’ai été un peu dur, c’est vrai que le concept visuel est plutôt réussi. Et puis le principe de proposer aux jeunes entrepreneurs de créer leur bar idéal, c’est quand même vachement sympa de la part de Ballantine’s… Puis je reprends une gorgée et reviens doucement à mes esprits. Pourquoi diantre je viens d’attendre une heure pour pouvoir mixer un pamplemousse, deux oranges et trois framboises dans mon verre de whisky qui n’en demandait pas tant ? Pourquoi ne serait-ce qu’un simple connaisseur irait flinguer un « 12 ans d’âge » avec des fruits pas frais ? Pire, je m’interroge encore sur l’éventuel intérêt de mettre une satanée courgette broyée dans un verre d’alcool. Bref, quand, pourquoi et comment j’ai pu ne serait-ce qu’un instant caresser l’idée que « Cinq fruits et légumes par jour » sur 20 cl de Whisky serait une idée judicieuse.

Les Français consomment 121 millions de litres de whisky par an. Presque deux litres par personne et aucun autre pays nous arrive à la cheville. Cela représente d’ailleurs 40% des ventes de spiritueux. Le consommateur a tous les visages et vient de toutes les classes sociales : le clochard qui se détruit au William Peal pour oublier le froid. La femme au foyer qui se boit des coups discrets pour oublier son mari. L’adolescent qui se prend ses premières cuites au J&B pour oublier ses parents. Ou le jeune cadre dynamique qui trouve que « quand même, le Jack Daniel, y a que ça de vrai« , et qui veut finalement lui aussi s’esquinter, pour oublier sa semaine de merde sous les néons du bureau. Sans oublier le consommateur le plus respectable : le fin connaisseur, véritable passionné de whisky. Il savoure le grain de l’orge avec patience, le boit évidement pur, et pense qu’un glaçon, c’est déjà un sacrilège. Lui aussi boit éventuellement pour oublier des gens ou des problèmes, mais au moins, il le fait avec classe.

Et bien, je suis persuadé que tous ces consommateurs, quand bien même très différents, s’accorderaient sur le fait que mettre des fruits et légumes dans du whisky, peu importe son prix et sa qualité, c’est absurde. Je n’y vois donc là qu’un coup marketing aussi foireux que fumeux, autant pour Ballantine’s France que pour le Chacha.

Il est 1 heure du matin, je regagne la salle principale, presque vide. La faune locale a migré vers des afters beaucoup trop cools pour moi. Comme pour oublier un mauvais rêve, je commande un verre au bar : pour n’importe quel amateur digne de ce nom, le coca est bien le seul ami que tolère le whisky.

Mais alors que fait-on pour déguster un bon scotch dans les règles de l’art ? Où va t’on ? Je ne vous listerai pas les bonnes adresses car je ne suis qu’un piètre profane qui n’a pas plus de goût que les personnes qu’il juge. Cependant, en approfondissant un peu la question et en me renseignant auprès de personnes plus connaisseuses que moi sur le sujet, j’en suis venu à une conclusion.

Le bar à whisky idéal ne serait-il pas finalement un endroit qui rejette le concept même d’une mode éphémère. Mais plutôt un lieu qui se lie volontiers au temps qui passe, pour ainsi respecter le principe même du spiritueux qu’il propose. Ce lieu pourrait être calme, feutré et sombre avec un bar constitué de brique et de chêne et d’imposants fauteuils en cuir disposé aléatoirement dans la pièce. Un pianiste pourrait éventuellement jouer le répertoire de Duke Ellington. Un peu plus loin, le barman décrirait avec malice une énième fois -mais toujours avec passion- les cinq étapes de la fabrication du whisky à un nouveau client qui vient de s’arrimer sur le comptoir en acajou. Tout simplement…      


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