Un malentendu. Ni plus, ni moins. Sega n’a jamais raillé la domination de Nintendo, même au fait des années 90. Dire oui à la concurrence, mais sainement. Car séduire les attentions souveraines des joueurs, c’est d’abord exister, même dans l’ombre du géant. Surtout dans l’ombre d’un géant. Dans le feu de sa lumière, mais à l’abri. Couvé, sans risque de déprime. Ce n’est que lorsque des envies d’ailleurs, de online, de support laser, de consoles d’échauffement (Saturn et Dreamcast) se rêvent en élégance que la tragédie l’emporte. Que le monde se renverse. Sega a voulu voir grand. Final, le constructeur se fait petit développeur. Seule impasse à sa survie. Mais Nintendo est là. Et l’impression de s’éveiller a repris. Dans l’ombre d’un géant. Couvé. Sans risque de déprime.
Valoriser Sonic & SEGA All-Stars Racing, sa picture polychrome, son hypnotique fluidité à l’écran, c’est reconnaître que l’imitation pleine vaut parfois mieux, qu’une création aux aguets. Rondement menée, la chevauchée mécanique vire ici rarement à l’épique, c’est avoué, mais suffit à tourner son esprit dans le sens du ludique. Virevoltant aux premiers tours de roues, le titre de Sega dévoile, sans détourner, tout de ce que son frère d’âme, dont on taira poliment le nom, a décliné dans ses versions essentielles. Le soin du dérapage, accélérateur de conscience et de gaz, l’attroupement et ses visages familiers (Sega se revisite sans cesse : de Ryo Hazuki, évadé de Shenmue, aux sept personnages issus de l’univers de Sonic, puis Alex Kidd, puis Jacky Bryant de Virtua Fighter, puis Ulala –Space Channel 5-). Du sérieux dans l’incertitude des courses, et ce rond kilomètre que l’on abat la tête à l’envers dans des tunnels, face aux environnements aussi détestables qu’une bordure de givre qui fait chasser du train arrière, qu’un coin de verdure aux recoins vengeurs (gare aux bumpers…) ou qu’une mer houleuse. Chouette ambiance.
Les atouts dans votre jeu : rouler avec habitude. On connait déjà ces tracés, pourtant nombreux –on en compte 24- mais pourtant pas bien roublards, et la malice à employer pour mener son char (deux roues, coupé, muscle car, overboat, du choix dans la vermine…) à la victoire. Qui rarement, échappe à qui la saisit, d’ailleurs. Sans doute l’I.A. des adversaires, échelonnée sur trois niveaux de difficulté, se montre-t-elle encore trop généreuse. Pas assez aiguisée surtout, tant les seules ressources à couacs, ces items dispatchés dans l’aventure, s’installent trop confortablement dans une évidente et attendue inertie. Boost, missiles téléguidés, mines et bouclier… Stratège d’attaque ou de défense, la liberté, entrevue par le choix d’employer le fatras d’un tel arsenal à sa guise, est freinée par la faiblesse d’un renouveau dans le genre. Grave ? Presque coupable puisque nier le genre, c’est renier le maître. Celui dont on taira le nom, celui qui le fit souverain. Un roi flatté ici dans ses habitudes. Peut-être aussi par habitude. Celle d’être couvée. Trop couvée.
Initialement publié le 16.04.2010