À chaque fois que l’on prononce le nom d’Hideo Kojima, la toile s’enflamme aussi bien pour de bonnes que de mauvaises raisons. Le bonhomme, mondialement reconnu pour les qualités de la série Metal Gear Solid (il y a aussi Snatcher ou encore le jeu annulé « P.T » autrement dit sa propre vision de Silent Hills), était forcément attendu au tournant avec son titre Death Stranding. Il faut dire Kojima a su faire monter la hype petit à petit avec son jeu. Entre les trailers mystérieux et intrigants, les louanges de personnes célèbres ayant pu voir le jeu avant sa sortie, il y avait de quoi être impatient de découvrir ce qu’allait nous révéler « DS » alias Death Stranding.
Une force à poursuivre l’aventure
Dans cette vision de l’univers de Kojima, on arpente un monde post-apocalyptique où la nature est abondante mais aussi très rocailleuse. La pluie accélère le vieillissement, les routes sont difficilement praticables, des empreintes de mains surgissent de nulle part et en plus il y a même des bébés vivants dans des capsules. L’ambiance est on ne peut plus mystérieuse et attirante.
Le « héros » de cette histoire est un porteur qui effectue des livraisons, oui oui, vous avez bien lu, un livreur comme dans la réalité. Ce concept n’est pas nouveau dans le domaine du jeu vidéo, il est même ancien : en 1984 on a déjà eu affaire à un soft du genre, Paperboy (borne d’arcade, NES, Commodore,…) où il fallait livrer des journaux à chaque habitant. Alors oui évidemment Kojima a poussé le concept de ce système de livraison allant d’un point A à un point B avec diverses subtilités. Mais dans un univers où cette activité représente 85 à 90 % de l’aventure, qu’est-ce qui nous pousse à rester et à continuer à faire nos livraisons ?
Eh bien principalement deux choses, la première ce sont les récompenses des missions qui affectent le gameplay en apportant de nouveaux objets et gadgets utiles. Et la seconde, on est tout simplement tenu en haleine par la trame scénaristique appliquée, soignée, disposant de rebondissements, de passages éclaircissant les différents mystères. Bien sûr cette histoire ne serait rien sans ce casting cinq étoiles : Mads Mikkelsen, Lindsay Wagner, Guillermo Del Toro, Norman Reedus, Léa Seydoux,…, effectuant un travail de jeu d’acteur remarquable.
Réunifier le monde, un long chemin…
Il y a bien longtemps, il y eut une explosion puis d’autres de même ampleur sont survenues un peu plus tard, et enfin le Death Stranding est arrivé, réduisant une bonne partie de la population mondiale. Les survivants se sont alors retranchés dans des abris et d’autres se sont complètement coupés du reste du monde. Mais certains ont toutefois un point commun entre eux depuis ce Death Stranding : l’apparition du Dooms, une mystérieuse maladie qui a la particularité d’octroyer plusieurs types de dons selon son porteur.
Le héros de notre histoire, Sam Porter Bridges est également atteint du Dooms ce qui lui permet de ressentir la présence de créatures disons spectrales mais pas de les voir. Sur cette planète dévastée qu’est notre Terre, Sam est un porteur, c’est-à-dire un livreur qui délivre différents types de biens pour toutes les personnes ayant besoin de ses services. Solitaire, il accepte toutefois la lourde tâche de réunifier le monde pour le compte des UCA (United Cities of America) en reconnectant ce que l’on appelle le réseau chiral, et pour cela Sam va devoir parcourir toute l’Amérique… à pied !
On n’entrera pas davantage dans les détails pour ne pas divulgâcher les tenants et les aboutissements de cette aventure méritant d’être découverte par soi-même. Chaque passage narratif permet d’en apprendre plus sur ce monde et ses protagonistes importants (plusieurs histoires personnelles), le tout étant lié dans l’intrigue commune. Mais il y a aussi l’aspect de l’entraide permettant, à force de livraisons, de découvrir une multitude d’informations datant de plusieurs années. Par contre, découvrir tout cela demande une certaine persévérance, car à la moitié du jeu il y a une petite baisse de régime notamment dû à un allongement artificiel de la durée de vie, histoire qui au passage met environ une bonne cinquantaine d’heures pour être bouclée.
Un gameplay qui peut rebuter mais qui montre la détermination de chacun
La première découverte de ce monde mystérieux est grandiose, non seulement les graphismes sont réalistes et détaillés mais en plus de superbes musiques nous accompagnent à chaque point culminant des livraisons (un peu avant l’arrivée à destination). Mais après plusieurs heures de jeu intensives (ou non d’ailleurs), l’enthousiasme des débuts s’estompe peu à peu au fur et à mesure de l’avancée pour laisser place à un sentiment de répétitivité beaucoup trop important.
Il faut dire que dans ces grandes étendues en monde ouvert, les environnements variant au fil du temps, réaliser encore et toujours la même chose peut être éreintant. Au début Sam est assez lent, alors pour ne pas chuter ou perdre l’équilibre il est nécessaire de jongler entre les deux gâchettes (une par côté et bras) et dans ces paroies rocheuses c’est difficile. Se casser la figure rime avec un colis en mauvais état ou endommagé que l’on ne voudrait pas recevoir soi-même.
On marche, encore et encore, on boit de l’eau pour se revigorer le corps et l’esprit, on se repose, on utilise des échelles afin de grimper sur les hauteurs ou avancer plus rapidement en évitant les cours d’eau pour ne pas se faire emporter par le courant. On utilise aussi des ancres d’escalade pour descendre ou monter d’une montagne plus en sécurité, etc… En plus de cela, quand les précipitations s’en mêlent, c’est encore pire puisque la marchandise rouille petit à petit et finit par être détruite.
Ces mouvements il faut les répéter un nombre incalculable de fois pour livrer sa marchandise à destination. Et encore faut-il qu’elle soit en bon état sinon les gens se plaignent et ils mettent une évaluation négative, ce que l’on fait nous-mêmes dans la vie de tous les jours. Sauf qu’ici la réputation se traduit en « likes », on trouve par ailleurs que ce terme est une notion un peu moins immersive surtout que comme dit en jeu « internet a existé il y a de cela plusieurs bonnes paires d’années », si ce n’est beaucoup plus.
Puis après son évaluation, on reprend une ou plusieurs commandes, on vérifie son attirail, on répartit la disposition et le poids de la marchandise sur le corps de Sam via un menu spécifique. Mais ce dernier manquant clairement de clarté, on utilise presque uniquement une réorganisation automatique des colis pour chaque voyage. Puis rebelote, on transporte à nouveau, on effectue encore une fois le même travail, on contemple les lieux grâce à la mise en scène visuelle et sonore. Puis vient le temps où des ennemis font enfin leur apparition pour changer le quotidien.
Chaque type d’ennemis a son domaine de prédilection, il y a les Mules portant de la marchandise et qui foncent nous attaquer ou tirant à vue, ou bien alors les échoués, ces créatures spectrales repérant la respiration et les bruits d’humains. Si au départ on en revient à notre formule de base (livrer des colis en bon état), cette dose d’infiltration apporte une variation supplémentaire bienvenue : on se cache, on se retient de respirer face aux échoués et dans le pire des cas on court pour échapper aux Mules. Dommage toutefois que les face-à-face contre les Mules soient généralement banals au « corps-à-corps ».
Cependant à force de braver le danger et d’effectuer des livraisons, les différents PNJs offrent des récompenses -souvent des plans de matériel nécessitant des ressources pour être créés- ou du matériel pour pouvoir se défendre et attaquer. En plus de ce que l’on a à disposition, on peut même se servir du sang de Sam (rappelons qu’il a le Dooms) pour effectuer des dégâts. De même au bout d’un moment on a enfin accès à des moyens de locomotion pour se déplacer comme des camions ou une moto, ce qui facilite forcément le transport de lourdes marchandises. Malheureusement sur les terrains escarpés, la conduite n’est pas optimale.
Un multi innovant
Reconnecter l’Amérique et resserrer les liens, une chose que certain(e)s joueurs(euses) auront peut-être du mal à faire seul(e) dans la peau de Sam. Et c’est peut-être pour cela que l’équipe de Kojima a implémenté un mode multijoueur ne nécessitant pas d’abonnement Playstation Plus. Dans ce mode online, ce n’est donc plus uniquement Sam mais les explorateurs(trices) humain(e)s de ce monde en déclin qui peuvent prendre part à la reconstruction de cet univers en apportant leur contribution personnelle.
Chaque joueur(euse) a la possibilité de partager des outils communs via des structures constructibles dédiées. Mais on peut également récupérer du matériel laissé par d’autres joueurs(euses) en cours de route que ce soit offensif ou défensif comme des ancres d’escalade, des échelles,… De même, il est tout à fait possible de construire des ponts ainsi que des axes routiers à plusieurs servant aussi bien à traverser des cours d’eau que traverser des lieux dangereux.
Si l’on ne voit pas les joueurs(euses) dans sa partie pour justifier l’univers en premier lieu, tous les éléments précités sont dispatchés ici et là tout au long du jeu, alors que les routes sont davantage prévues dans des lieux précis. Mais tous ces outils ont une durée de durabilité, ils rouillent et s’abîment petit à petit au fil du temps et des précipitations. En soi, l’idée est très bonne pour aider quiconque se trouve dans le besoin et aidera sans aucun doute les moins persévérants. Mais d’un autre côté, passer exclusivement par la case multi ne permettra pas de vivre les péripéties de la même manière que Sam et donc on ne ressentira pas cet impact de fragilité, de courage et de persévérance justement.
C’est très beau, des acteurs monstrueux et une sublime OST
Car oui, il faut de la persévérance pour arpenter tous ces lieux « différents » de Death Stranding. Des endroits désertiques aux forêts en passant par des plaines et des terres rocailleuses, DS nous offre de somptueux panoramas et la possibilité de toucher ces environnements du bout des doigts (ici des pieds en l’occurrence).
Ce travail artistique de très bonne facture a certes été réalisé par l’équipe de Kojima Productions mais aussi par le moteur Decima de Guerrilla Games. D’ailleurs le studio, tout comme Insomniac Games et Bend Studio, ont également participé à l’aventure en tant que partenaires.
Cependant, il y a quelques éléments disgracieux liés à la technique mais aussi à la physique. Il arrive que Sam trébuche et tombe largement en contrebas alors que le terrain est praticable. De même, on a effectué des actions classiques mais ne reflétant pas ce que l’on voulait faire réellement. Par exemple au lieu de grimper, Sam s’est retrouvé à faire des mouvements incompréhensibles sur place.
Si les passages donnent déjà un aspect de désolation et de réalisme, la motion capture des personnages est tout à fait crédible et détaillée notamment au niveau des visages, que ce soit Norman Reedus (The Walking Dead, Sky,…), Mads Mikkelsen (Rogue One A Star Wars Story, Doctor Strange,…) ou encore Lindsay Wagner (Super Jaimie, L’homme qui valait 3 milliards,…). Un casting cinq étoiles, qui on le répète, fait un travail de jeu d’acteur remarquable. Mention spéciale à Mads Mikkelsen pour son rôle de Cliff, l’homme a d’ailleurs reçu une distinction bien méritée aux Games Awards 2019.
Mais il n’y a pas que ces aspects scénaristiques et visuels qui ont été mis en valeur, l’OST l’est également, et ce dans son intégralité. De très belles musiques avec des passages rythmés, mélancoliques mais également chantées. On retrouve notamment la chanteuse Lauren Mayberry du groupe Chvrches avec leur titre Timefall mais aussi une très grande prédominance du groupe Low Roar avec notamment Don’t Be so Serious, Bones,… des thèmes collant parfaitement avec cette ambiance d’espoir et de futur pour l’humanité.
Testé sur PS4 Pro