Et si on pouvait deviner qui nous sommes, et quel est notre style de vie, simplement en regardant fonctionner notre cerveau ?
C’est l’un des buts du HCP (Human Connectome Project), l’un des deux projets les plus ambitieux de la planète en termes de Neurosciences. Le travail est titanesque, mais le but est simple : faire une carte des connections du cerveau, sur le plan anatomique et sur le plan fonctionnel.
L’anatomie pour eux, c’est un peu comme faire une carte de toutes les routes existantes, depuis les grandes autoroutes qui relient Paris à Strasbourg et Berlin, jusqu’à la petite allée qui mène au fond de votre jardin.
Le fonctionnel, c’est essayer de savoir ce qu’on peut bien transporter sur ces routes, mais aussi quelles langues on y parle, et pourquoi on transporte des choses.
L’un des buts du Connectome (le petit nom du projet) est de savoir ce qu’il se passe quand notre cerveau est en repos.
Pour répondre à la question, l’équipe de l’ingénieur biomédical Stephen Smith à l’Université d’Oxford (Angleterre) a enregistré l’activité de cerveaux au repos de 460 sujets âgés de 22 à 35 ans. Chaque Connectome est une sorte de photo du cerveau à un instant T, un diagramme de connexions entre aires du cerveau, ainsi que la force de leurs connexions (voir l’illustration de cet article).
En plus de cette énorme volume de données, d’autres informations ont été glanées, comme par exemple l’âge, les traits de caractère, les performances lors de tests d’intelligence, ou encore l’usage de drogues. Au total, ce sont 280 caractéristiques qui ont été collectées auprès de chaque sujet, en plus de la signature de leur Connectome.
Ces données ont été passées à la moulinette informatique, comme on fait passer du sable dans un tamis en espérant trouver une pépite d’or. Et pépite ils ont trouvé.
Il s’est avéré que les personnes avec les caractéristiques les plus ‘’positives’’, comme la mémoire ou l’éducation, partageaient globalement un même pattern de connexions au repos. A l’inverse, les personnes avec des caractéristiques plus ‘’négatives’’, telles que l’agressivité, l’alcoolisme, ou encore des problèmes familiaux, ont un pattern de connexions plus variables et moins comparables.
Un style de vie correspond donc à un archétype de connections corticales.
Alors, pépite d’or ou simple grain de sable dans les rouages ? Les chercheurs sont eux-mêmes surpris d’un tel résultat, révélant un véritable axe ‘’positif-négatif’’ comme ils disent. Ils restent néanmoins prudents quant à la portée de leurs travaux.
Déjà, impossible de savoir quel trait de caractère est relié à quel autre. Ensuite, aucun indice pour savoir, entre une connexion et une caractéristique, qui est l’œuf et qui est la poule. Et pour leur faciliter le travail, comme d’habitude dans les sciences du complexe, la réponse est souvent entre les deux : dans l’interaction entre connexion et caractéristique.
Les chercheurs comptent bien poursuivre leurs efforts. Ils espèrent pouvoir utiliser ces nouvelles connaissances sur le Connectome pour détecter des risques de développer certaines caractéristiques (comme la prise de drogue). Ils souhaiteraient aussi savoir comme aider les individus à faire avancer leur cerveau selon une direction plus ‘’positive’’.
Il y a encore beaucoup de travail pour y parvenir.
C’est donc bien une pépite qui a été trouvée, mais pour le moment difficile de s’en servir. Il y a bien trop de paramètres en jeu pour les embrasser tous de l’esprit. Ce type d’initiative a en tout cas bien souvent fait avancer la science, en permettant de mettre en évidence des relations que l’on n’aurait jamais soupçonnées par ailleurs.
‘ Wiring diagrams’ link lifestyle to brain function Sara Reardon, Nature 2015, doi:10.1038/nature.2015.18442