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Fallout: New Vegas, l’interview d’Eric Beaumont

Eric Beaumont, Concepteur Senior chez Obsidian, se confie dans la dernière édition d’Inside the Vault. Vous allez tout découvrir sur son implication dans Fallout: New Vegas. Ne manquez pas de découvrir toute l’actualité et les précédents dossiers consacrés au jeu, et répertoriés sous le mot-clé Fallout.

 

Quel est votre travail chez Obsidian ?

Je suis concepteur senior et je travaille actuellement sur Fallout: New Vegas.

 

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ? Qu’est-ce que vous aimez moins ?

Ce que je préfère… D’accord, vous avez vu le film Inception (pas de spoilers, c’est promis) ? A un moment, ils font venir un personnage pour qu’il soit leur « architecte des rêves » et ils lui font découvrir ce que c’est que de créer des rêves. Mais ce personnage s’en va précipitamment, et un autre dit quelque chose comme « Ne t’en fais pas, il reviendra. Quand on s’essaie à la création de monde, on y revient toujours ». C’est ça, ce que je préfère dans la conception de jeux.

Quand, pour la première fois, on assemble un niveau et quand on y place des créatures et des personnages qui se déplacent comme on le veut dans le jeu, ce n’est pas seulement gratifiant d’un point de vue intellectuel, c’est surtout viscéralement excitant, on est aussi heureux qu’un enfant. Pendant tous les projets sur lesquels j’ai travaillé, il y a toujours un concepteur ou un autre de nos collègues qui fait venir des gens dans son bureau pour leur montrer ce « truc génial » qu’il vient de créer. Et ce n’est pas de l’arrogance, il veut seulement partager, il est aussi excité qu’un gosse. Voir des adultes montrer des choses épatantes, drôles ou juste bizarres, comme des enfants qui auraient vu un lézard dans la cour de récré pour la première fois, voilà ce que je préfère.

Ce que j’aime le moins : regarder des centaines de lignes de script pour essayer de comprendre pourquoi la créature qui est censée aller du point A au point B se contente de rester là, immobile, comme si elle se payait ma tête. Il peut s’agir de la créature que je montrais hier à tout le monde, ce « truc génial » dont j’étais si fier, et là, aujourd’hui, elle refuse d’obéir. Après des heures à essayer toutes les astuces que je connais (plus quelques-unes inventées sur le tas) pour faire bouger la créature, rien ne fonctionne. Finalement, j’abandonne et je rentre chez moi, dépité. Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, il me suffit de quelques secondes pour remarquer ce qu’il ne va pas dans ces lignes de script qui ont failli me rendre fou : le nom de la créature est Bobzilla014two, mais j’avais écrit Bobzilla014three dans le script. Je change le « 3 » en « 2 » et, miracle, la créature va du point A au point B. (Astuce de pro : dans ce genre de situation, ravalez votre fierté et demandez à un collègue concepteur de regarder le script avec vous. Vous résoudrez le problème en moins de 30 secondes, promis.)

 

Comment êtes-vous arrivé dans l’industrie du jeu vidéo ?

Après le lycée et la fac, j’ai été gérant dans un restaurant de Disneyland. C’était un bon boulot, il y avait de bons avantages, mais à part devenir créateur d’attractions (ce pour quoi j’avais postulé au départ), il y avait peu d’opportunités pour mon diplôme d’anglais et moi au royaume de la magie. J’ai donc démissionné, sans avoir véritablement d’argent en poche ou d’offres d’emploi. J’ai enchaîné les postes d’intérimaire et j’ai passé quelques entretiens pour de « vrais » boulots d’écriture, mais j’ai fini par comprendre qu’il me fallait un travail stable pour payer les factures. Au même moment, Virgin Interactive était sur le point de fermer (content de les voir revenir, d’ailleurs). Je cherchais un travail dans le journal et je suis tombé sur une pub disant qu’on recherchait des testeurs de jeux vidéo. A l’époque, je ne savais même pas qu’un tel poste existait ! Ca ne payait pas très bien et ça ne semblait pas non plus un meilleur choix de carrière que gérant de fast-food, mais ayant passé une grande partie des années 80 à jouer à Donjons & Dragons et à dépenser mon argent dans des salles d’arcade, ça me semblait un travail idéal.

Je suis allé à l’entretien en pantalon et chemise de soirée… Ils ont dû me prendre pour un fou. Je n’ai pas arrêté de leur dire que je voulais le poste et ils n’ont pas arrêté d’essayer de me persuader du contraire. Au final, ils m’ont cru et m’ont embauché. Pendant environ six mois, j’ai testé les derniers jeux qu’allait éditer Virgin Interactive Entertainment (jusqu’à maintenant). Juste avant que Virgin Interactive ne mette la clé sous la porte, Westwood Studios a racheté les actifs et les employés restants pour ouvrir Westwood Pacific Studios (à Irvine). Comme il leur fallait des concepteurs, je suis allé à leur entretien (habillé davantage en développeur de jeu, cette fois) avec des captures d’écran d’un niveau de StarCraft terriblement mauvais et celles d’un niveau de Quake II à moitié terminé. Par chance, l’entretien s’est bien déroulé, malgré mes captures calamiteuses (qui étaient cependant très colorées et sur papier glacé !), et on m’a proposé un poste de concepteur junior. J’ai commencé immédiatement à travailler avec trois autres concepteurs sur un jeu de rôle-action appelé Nox. Nous avions moins de douze mois pour le finir et nous partions quasiment de rien. A ce jour, c’est le projet le plus long et le plus difficile sur lequel j’ai travaillé, soit environ neuf mois à raison de 60-100 heures par semaine, mais j’en ai gardé de très bons souvenirs, les meilleurs de ma carrière dans cette industrie pour certains. Depuis, je suis passé à de plus gros projets, la meilleure des opportunités qui se sont présentées à moi étant de travailler sur ma série favorite : Fallout.

 

Quels sont vos conseils pour percer ? Est-ce que faire des mods pour d’autres jeux vous a aidé ?

Etant mon parcours pour entrer dans l’industrie, je ne suis sans doute pas le mieux placé pour donner des conseils. Mais si j’avais un conseil, je citerais l’un de mes anciens supérieurs : n’engagez que ceux derrière qui il ne faudra pas repasser pour tout corriger (philosophie que j’ai depuis adoptée pour mes entretiens avec des concepteurs potentiels). La vraie citation est un peu plus colorée, mais l’essence est là. Cela signifie que si vous souhaitez percer dans l’industrie, vous devez être capable de parler de la conception et de prouver que vous savez concevoir des choses. N’énumérez pas seulement les jeux que vous aimez, expliquez aussi pourquoi vous les aimez. Si vous détestez un jeu, dites pourquoi et expliquez ce que vous feriez pour l’améliorer. (Faites aussi quelques recherches préalables, histoire de ne pas dire trop de mal d’un jeu sur lequel a travaillé votre interlocuteur !) Apportez un niveau sur lequel vous travaillez, de préférence un niveau créé avec un moteur/éditeur connu et moderne (vous gagnez aussi des points si le niveau est du même genre que le jeu pour lequel vous postulez). Des diplômes dans des domaines pertinents et/ou d’une fac en conception de jeu sont également utiles, mais ils ne serviront à rien si vous ne survivez pas à l’entretien.

 

Si vous deviez choisir quelqu’un dans l’industrie du jeu, qui choisiriez-vous ?

Warren Spector. J’adore les jeux qu’il a faits et sa philosophie de la conception m’a toujours inspiré. J’ai lu un article dans lequel il disait que l’organisation des dialogues dans les jeux de rôle n’avait pas vraiment changé ou évolué depuis les premiers pas de l’industrie. A la fin de l’article, il mettait tous les gens de l’industrie au défi de trouver une nouvelle façon d’aborder les dialogues dans les jeux. Ces dernières années, j’ai fait tout mon possible sur les jeux que j’ai conçus avec ce défi en tête. Je n’ai pas trouvé de solution miracle, mais cela m’a permis de remettre en question les principes fondamentaux de la conception que je prenais pour acquis, et pour cela, je lui en suis reconnaissant.

 

Quel a été le meilleur moment de votre carrière à ce jour ?

C’est une question difficile. D’une certaine manière, ma carrière dans son intégralité est le meilleur moment de ma carrière ! On a autant de chances de travailler comme concepteur sur de grands jeux que d’être un acteur à succès ou un athlète professionnel. Vous imaginez, être payé pour faire des jeux vidéo toute la journée… Certains ne me croient pas quand je leur dis que c’est comme ça que je gagne ma vie. Mais si je ne devais retenir qu’un seul moment dans ma carrière, ce serait le jour où l’un de mes niveaux a été décrit comme l’un des meilleurs d’un jeu par le magazine PC Gamer. A cette époque, j’étais plus un concepteur de niveau qu’un véritable concepteur de jeu, et voir l’un de ses niveaux mentionné dans un article n’arrivait pas souvent. Ce jeu, c’était Command and Conquer: Generals. J’ai conservé ce numéro du magazine et je cite encore cet article dans mon portfolio.

 

Quels jeux attendez-vous ?

J’ai toujours été un fan des mondes post-apocalyptiques, et si on y ajoute des voitures armées de mitrailleuses, ça m’intéresse encore plus. J’ai donc hâte que RAGE d’id Software sorte. Mais je suis aussi impatient de mettre la main sur The Last Guardian de Team Ico et de jouer aux versions HD d’Ico et de Shadow of the Colossus.

 

Quel est le pire boulot que vous ayez fait ?

Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai enchaîné les petits boulots pendant un moment. L’un d’eux se passait dans l’entreprise qui fabrique les imprimantes de tickets de caisse qu’on voit parfois dans les supermarchés. Mon travail consistait à appeler des supermarchés dans tout le pays pour leur dire que notre ordinateur central avait détecté que certaines de leurs imprimantes étaient en panne. Je devais leur faire arrêter ce qu’ils faisaient et leur faire redémarrer l’imprimante (il y avait parfois jusqu’à 9 étapes pour cela). C’était un peu comme faire du support technique avec des gens qui ne voulaient rien réparer. Dans un sens, c’était fascinant d’appeler des supermarchés d’Alaska ou de Louisiane et d’avoir ces conversations bizarres, mais c’était aussi le pire des boulots.

 

Que faites-vous pendant votre temps libre ?

Jeux vidéo, films, golf, lecture, sorties en famille… Et parfois j’ai la chance de combiner plusieurs de ces choses. Récemment, j’ai appris à ma fille de cinq ans comment jouer à Mario et terminer le premier niveau toute seule ! (Papa doit encore parfois aider à faire des sauts difficiles, mais c’est bon de se sentir utile.)

 

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Fallout: New Vegas. Nord – Nord-ouest. Vent – Brahmin. Je n’en dirai pas plus.


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