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La vision de la guerre en BD (10ème volet) : La guerre de tranchée.

La guerre de tranchée. Le sujet n’est pas nouveau et s’attaquer à la thématique relève d’un goût du risque pour éviter toute redondance ou ressassé sans relief. Alors, lorsque des albums arrivent encore à nous intéresser au sujet, on plonge sans peine dans leur lecture. Par curiosité et par respect pour ceux qui ont sacrifié leur vie à la gloire des nations…

 

Peut-on encore écrire sur la grande guerre, celle qui envoya au front des hommes par centaines, par milliers, par millions, sans aucune formation, sans aucun uniforme ou paquetage digne de ce nom ? Réduits à faire la guerre depuis des tranchées boueuses et viciées par la présence de rats, de maladies et de la peur qui transparait dans le regard des soldats qui n’attendent que l’inéluctable, les hommes vivotent ou plutôt essayent de noyer la noirceur de leur quotidien en s’inventant des imaginaires colorés dans lesquels déambulent de belles danseuses peu vêtues tout droit sorties des Folies Bergère. Le cabaret parisien représente pour les soldats de la 17ème compagnie d’infanterie cet ailleurs dans lequel ils se retrouveront une fois achevée cette guerre qui tue plus d’hommes que la capacité des vivants à leur offrir une sépulture digne de ce nom. Pris par l’effroi, replié derrière des barbelés infranchissables, agenouillés à se pisser dessus en entendant siffler les balles et tir d’obus qui passent si près et font parfois mouche, les soldats jettent parfois leurs corps engourdis par l’attente et la peur dans des chevauchées suicidaires dont le but vil pourrait se voir comme un moyen sûr et rapide de rejoindre enfin un lieu paisible et chaud où tout pourrait redevenir comme avant, mais le croient-ils vraiment ? Pour ceux qui survivent à la peur, aux tirs des soldats allemands et à la douce folie qui s’emparent d’eux reste le cabaret du 32 de la rue Richer, un lieu construit à même les tranchées, réplique de son glorieux aîné, qui défie le temps et l’espace. Une récompense qui se vit et s’apprécie une fois la nuit tombée, où la musique déverse ses mélodies et entraîne les soldats au loin.

Dans Les Folies Bergère, Zidrou et Porcel donnent à voir la guerre dans tout ce qu’elle représente et fonde d’aliénation. Les hommes y perdent la raison puis la vie avec une régularité qui fait froid dans le dos. En invitant le lecteur dans ce huis clos pesant, les auteurs posent les fondations d’un récit qui se veut grave, seulement coloré par l’imaginaire de soldats encore dans cette espérance folle d’un jour retrouver leur amis de tranchée dans le célèbre cabaret parisien. On y découvre un fusillé miraculé qui défi les pelotons d’exécution, l’enfance qui s’immisce dans la souricière comme pour narguer la mort ou mieux l’accompagner, les correspondances de soldats qui refusent de couper le lien fragile qui les relie à la vie. Le récit se teinte parfois de fantastique pour mieux basculer dans la folie naissante, celle qui représente la première marche vers les enfers dont l’illustre représentant guette, pas si loin dans le no man’s land qui sépare les deux camps. Le dessin expressif construit en couleurs brunes révèle un auteur véritablement possédé par son sujet. Un album marquant sur un sujet maintes fois décliné qui arrive encore à ouvrir des brèches et surtout à nous présenter le visage de la guerre telle qu’elle est dans sa nudité hideuse, reflet de la faiblesse des hommes.

Porcel & Zidrou – Les Folies Bergère – Dargaud – 2012 – 16, 45 euros

 

Le premier volet de Paroles de poilus avait connu un véritable succès en librairie (80 000 exemplaires vendus auxquels s’ajoutent le million et demi de ventes de l’édition poche). Le second tome voit aujourd’hui le jour selon le même principe : demander à des dessinateurs de scénariser une histoire à partir de lettres de soldats rédigées depuis le front. Ces témoignages écrits à titre personnel pour des femmes, des enfants, des mères restées dans les campagnes françaises et attendant les nouvelles rassurantes de leurs maris, leurs pères, leurs fils possèdent une force d’attraction rares en ce sens qu’elles sont dénuées de tout recul face aux évènements vécus et de toute perspective face à l’avenir. Elles sont des témoignages de l’instant. Un instantané venu des tranchées avec son lot de descriptions plus ou moins sombres et sordides. La guerre est laide, encore plus pour un père qui laisse un ou des enfants derrière lui avec peu de chance de les revoir un jour. Tu es encore bien jeune et ne peux comprendre ce qui se passe en ce moment : la guerre, ses horreurs, ses souffrances. Cette carte sera un souvenir de ton père, et il souhaite qu’à l’avenir les hommes soient meilleurs, et que semblable chose ne retourne arriver écrit l’un d’eux à son fils Armand âgé de tout juste un mois. Cette guerre laissera multitude d’orphelins derrière elle. Le second volet de Paroles de poilus s’adresse à eux, à ces enfants tourmentés dont certains ne gardent l’image de leur père que par le biais de photos transmises  par leur famille.

Jean-Pierre Guéno poursuit son travail de présentation de la guerre des tranchées vécue de l’intérieur par ces soldats inconnus qui ont servis à épancher la soif de nations désireuses d’affirmer leur supériorité et leurs désaccords. Aux Lauffray, Bajram, Guarnido, Alary, Boucq… succèdent Collignon, Tillier, Jarbinet, Servain, Silloray, Pedrosa, Bailly… On regrettera peut-être le parti pris de présenter un nombre trop important de lettres à illustrer réduisant chaque histoire à quelques planches (deux à cinq) ne laissant pas s’installer véritablement d’histoire. Le souci pédagogique indirectement revendiqué atteint quant à lui son objectif. Il doit servir de base à la transmission d’un discours de paix et d’humanité pour éviter que l’histoire se répète encore et toujours.

Collectif (sous la dir. de J.P Guéno) – Paroles de poilus T2 – Soleil – 2012 – 19,99 euros  

 

 


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