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La Corée du Sud : le petit surdoué à la mentalité adolescente

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Mon improbable chance me poursuit toujours. Après un départ hasardeux en bateau de Miyajima, je rejoins en train Hiroshima pour ensuite enchaîner sur un Shinkansen qui partait cinq minutes plus tard pour Fukuoka. De cette ville, je n’ai plus qu’à espérer pouvoir prendre le dernier ferry pour aller en Corée du Sud.

J’arrive à la gare et demande au centre d’information comment rejoindre le port. « Hi, I want to leave today for Korea. » dis-je à la Japonaise qui m’observe avec un air sceptique. « You want to leave in two days ! Perfect sir, enjoy Fukuoka ! » A savoir que certains Japonais font la confusion entre « today » et « two days« , ce qui peut franchement causer de gros problèmes de logistique, quand par exemple vous achetez un billet de train. Finalement, elle me passe au téléphone la capitainerie du port qui m’explique qu’il est impossible de partir aujourd’hui, à part si, éventuellement j’arrive dans 5 minutes.

Je ne saisis pas vraiment l’absurdité de cette option, mais peu importe je tente le coup. Me voilà alors en train de courir comme un dingue dans une gare que je ne connais pas, avec 20 kilos sur le dos et les courbatures de l’ascension de la veille. Je monte dans un taxi, comme si j’étais dans un film d’action « GO TO THE PORT ! THE FERRY BOAT FOR KOREA !! » J’arrive comme un fou 10 minutes plus tard au guichet. « Yes Sir, we have still one ticket for the last ferry in five minutes for Busan in Korea. Do you want it ?« .

Quelques minutes plus tard, me voilà seul au milieu d’une centaine de Coréens, en train de voguer sur un étrange bateau qui s’élève au-dessus de l’eau avec un système de pale pour ainsi faire la traversée à grande vitesse. En effet, à peine quelques heures plus tard, j’arrive à Busan. 

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Busan : le sud de la Corée du sud

Je pensais alors me retrouver dans une banale ville portuaire, une sorte de Calais version asiatique, et en fait il s’agit de la deuxième plus grosse ville de Corée avec presque 4 millions d’habitants. Gigantesque et ultra-moderne, me voilà encore une fois paumé en pleine nébuleuse du futur. Après une heure de voiture (le taxi est le seul truc qui coûte pas cher en Corée), je rejoins enfin l’appartement que j’ai loué. Je suis alors fier d’avoir atteint mon objectif fou : partir le matin de Miyajima et arriver le soir dans un autre pays. Ce qui représente donc un ferry, un train, un shinkansen, un taxi, un deuxième ferry puis encore un taxi, tout cela entre 11h et 18h. 

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Je suis alors accueilli par la famille Young : un couple d’une quarantaine d’années et dont les deux fils ont quitté le foyer pour faire leurs études à l’étranger. Depuis, ils ont décidé d’héberger des gens du monde entier pour pratiquer l’anglais, s’ouvrir aux autres et pour le plaisir d’accueillir et de faire découvrir sa culture. Implicitement, je rajouterai que c’est aussi une manière de pallier le manque de leurs deux enfants.

Je décide alors de rester deux jours à Busan pour découvrir un peu la ville et me faire mes premières impressions sur la Corée. Malgré la superbe plage qui borde la ville, l’immense pont lumineux au loin et l’aspect populaire et moderne qui fait le charme de la ville, je ne suis pas spécialement enthousiasmé par l’ambiance générale. Pour commencer, il fait un froid polaire (-16 degrés) et je n’approuve pas ce genre de température inhumaine. Mais surtout, je ne retrouve pas la mentalité que j’avais particulièrement appréciée au Japon. Les commerçants se veulent plus rudes, moins accueillants, et j’essuie pas mal de refus lorsque je demande mon chemin dans la rue.

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Je ne généraliserai pas sur la mentalité des Coréens car je n’ai passé qu’une dizaine de jours dans le pays. Mais après m’être fait virer d’un bus car je n’avais pas le change pour mon ticket, m’être fait insulter par un taxi car l’endroit que je cherchais était difficile d’accès ou bien ces serveurs qui s’exaspèrent à haute voix car vous prenez plus d’une minute à choisir un plat ou qui vous refusent du restaurant car vous êtes seul et que ça fait perdre de l’argent, je considère juste qu’il y a une notion de respect souvent propre à l’Asie que je n’ai pas toujours retrouvée en Corée. Encore une fois, pas de généralités, la Corée fut le pays où j’ai rencontré les gens les plus formidables depuis le début de mon voyage et j’ai aussi eu de très bonnes expériences et souvenirs dans les restaurants, magasins ou ailleurs. Mais tout de même, impossible de nier que les Coréens sont un peuple fier et particulièrement impétueux, ce qui est à la fois touchant et irritant, dirais-je.

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Je ne développerai pas sur la fameuse tradition d’aller explorer sa gorge pour pouvoir expulser le plus immonde des mollards à deux centimètres de vos pieds. Après avoir questionné des expatriés sur cet acte primitif aussi ignoble à entendre qu’à voir, on m’a confirmé que même après dix ans passés dans le pays, on ne s’y fait toujours pas.

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La famille Young m’informe que l’attraction la plus fameuse de Busan est sans doute le Traditionnal Fish Market. Je décide donc de m’y rendre même si ça se trouve à une heure de bus.

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J’y découvre alors une multitude de poissons improbables, des crabes qui veulent s’échapper d’une mort certaine et une odeur de boyaux assez unique.

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Chaque stand est tenu par une femme d’une cinquantaine d’années, cheveux court, bouclé et noirs, qui fait la gueule et démembre des animaux. On pourrait globalement croire qu’elles sont toutes de la même famille tellement la ressemblance est frappante.

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En effet, tous les gens que j’ai rencontrés ensuite en Corée m’ont fait savoir que cette ressemblance et le look général des femmes âgées en Corée était une des premières choses qu’on notait quand on arrivait dans le pays.

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Après avoir noté que, moi-même, je commençai à sentir le poisson, alors que je ne suis point poissonnier, je décide de rentrer pour préparer mon départ le lendemain à Seoul. 

Seoul : la mégalopole superlative et paradoxale

Après avoir passé un mois à changer perpétuellement de villes et d’hébergements au Japon, je décide que Seoul sera une ville où je me pose un peu. Je me dis que ça sera l’occasion de rencontrer des gens, de prendre le temps de découvrir les coutumes locales, et de visiter la troisième mégalopole mondiale qui englobe la moitié de la population du pays, c’est-à-dire 26 millions d’habitants.GOPR0996

Après environ quatre heures de trains, j’arrive à Seoul Station où je prends un taxi pour rejoindre Iteawon, quartier historique réputé comme étant un village international multi-culturel. A l’époque, le lieu était surtout l’endroit où les GI américains venaient passer du bon temps. Aujourd’hui, il s’agit du quartier nocturne et festif de Seoul où l’on trouve une multitude de bars et de clubs qui ferment à l’aube. Entre autres, il s’agit aussi d’un quartier emblématique pour la communauté gay, autant Coréenne qu’expatriée. 

Après quarante minutes de taxi, je rejoins une toute petite ruelle sombre où se trouve la guesthouse dans laquelle j’ai réservé un lit. Je suis accueilli par Noel, une Coréenne d’une quarantaine d’années, artiste-peintre à ses heures perdues, qui me fait visiter son improbable maison qui date d’avant la guerre. En effet, on se demande comment l’endroit tient encore debout aujourd’hui.

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Sorte de bicoque renfermant de nombreuses alcôves de part et d’autre, où l’on rentre dans les petites pièces par des fenêtres coulissantes et où chaque partie ou objet de la maison est chargé d’histoire. Des centaines de mots et de photos de voyageurs du monde entier passés avant moi sont accrochés aux murs à son attention.

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Celle-ci m’explique d’ailleurs qu’elle a déjà hébergé plus de mille personnes dans cette maison. L’endroit me fait penser à une sorte de squat de hippies des années 60, mais sans les hippies à l’intérieur. Des petits radiateurs sont accrochés un peu partout et des couvertures chauffantes sont posées dans chaque pièce de vie. La maison est minuscule mais peut pourtant accueillir environ une dizaine de personnes, vu que chaque élément a été pensé pour optimiser l’espace. 

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Noel sort un casque de vélo et me dis d’un air amusé : « Y a pas longtemps, j’ai accueilli un Danois qui faisait la même taille que toi, il n’arrêtait pas de se cogner la tête partout, du coup je lui ai donné un casque quand il préparait à manger dans la cuisine. » Après m’être en effet assommé trois fois de suite aux mêmes endroits chaque jour, j’ai effectivement enfilé mon casque de vélo pour préparer mes œufs brouillés. En effet, le reste de la maison était gérable, même si je devais vivre baissé perpétuellement, mais la cuisine avait été conçue pour des hobbits et point des hommes.

Moi qui voulais rencontrer des gens, j’ai été servit. Je partage ma chambre avec un Australien, une Américaine et un Hongkongais. Dans les autres chambres se trouvent deux Singapouriens, deux Malais et deux Chinois. Je suis le seul à rester plus d’une semaine, tout le monde est plus ou moins de passage. Il serait d’ailleurs trop long d’énoncer toutes les nationalités que j’ai pu croiser pendant ces 10 jours. 

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Autour d’un verre de Soju (l’alcool emblématique du pays), j’essaye d’expliquer aux deux Chinois le concept des 35 heures et du mois d’août où la France s’arrête de bosser. Devant leur regard d’enfants choqués, je les achève en leur expliquant que mon entreprise m’a donné la permission de partir six mois en vacances et de récupérer mon poste ensuite. Ils sont d’ailleurs persuadés que je me moque d’eux. Après avoir discuté de libertés individuelles avec les deux Singapouriens, l’Australien m’interpelle sur Charlie Hebdo et me rappelle les faits similaires dans son pays avec l’attaque du Lindt Café à Sydney en 2014. 

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Chaque soirée fut l’occasion de parler avec des gens du monde entier, de différentes cultures et de profils différents. Même si ça fait vraiment cliché et mielleux de développer sur l’aspect « Worldwide living together share » blabla, j’ai vraiment ressenti dans cette maison quelque chose de passionnant sur l’aspect de partage lié à l’intérêt du pluri-culturalisme. Tout le monde avait des idées très différentes mais chacun respectait les avis des autres. Tout le monde avait une religion différente mais ne l’imposait pas et la pratiquait en toute discrétion. Chaque personne avait un mode de vie différent, des horaires différents, des habitudes alimentaires différentes, mais chaque pièce commune était propre et tout le monde était respectueux et compréhensif des différences de l’autre. 

Mais ce qui était surtout captivant, c’était d’observer Noel, souvent en retrait lors des conversations, avec un sourire au coin des lèvres, heureuse et comblée d’accueillir des inconnus du monde entier qui partent de chez elle en tant qu’amis et non en tant qu’hôte. Un soir, dans le froid glacial, après avoir bu une gorgée de son thé fumant, elle me souffle : « Je suis une citoyenne du monde tu sais, je trouve juste ça mieux de partager tous ensemble, au lieu de posséder des choses chacun individuellement. L’économie du partage, j’y crois vraiment. Cette maison, elle est faite pour accueillir des gens, et en plus j’aime pas être seule. » Un peu plus tard, je me retrouve invité à fêter un anniversaire avec des gens dont j’ignorais tout quelques minutes auparavant. Puis s’ensuivra des soirées folles dans les différents clubs de la ville, où on alternera entre concerts de rock alternatif, soirée américaine hip-hop et temple gay, d’ailleurs réputé pour être les soirées les plus intéressantes de la capitale.

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Je dois cependant admettre que je n’ai pourtant pas beaucoup exploré Seoul. Le froid polaire et l’aspect tentaculaire n’ont pas aidé, certes, mais il faut surtout prendre en compte le fait qu’il s’agit d’une ville qu’il est intéressant d’habiter et non de visiter. Malgré sa taille immense, Seoul ne regorge pas de nombreux sites touristiques particulièrement intéressants. Mais ce qui fait son intérêt, c’est l’ambivalence charmante qu’on va y trouver en tant qu’Occidental : un peu comme Paris, Seoul est une ville qu’on abhorre et qu’on adore en même temps. A la fois bruyante et douce, moderne et classique, parfois futuriste et parfois vétuste, sophistiquée et paradoxalement populaire, elle possède, en somme, tous les superlatifs qu’une mégalopole se doit de posséder. Un expatrié m’expliquera qu’habiter à Seoul, c’est un peu le syndrome de Stockholm : on se sent pris en otage par la ville, mais quelque part on aime profondément ça. 

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Personnellement, j’ai apprécié ce pays pour les nombreuses personnes que j’ai pu y rencontrer. Il me faudrait des centaines de pages pour décrire les personnalités complexes et passionnantes que j’ai pu connaitre pendant ce voyage. Que ce soit des expatriés, des habitants de longue date, des voyageurs itinérants ou des étudiants de passage, tous ont eu quelque chose à m’apporter et ont fait évoluer ma manière de voir les choses.

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En ce qui concerne Seoul et la Corée en général, beaucoup d’aspects font que c’est un endroit qui ne me correspond pas et dans lequel je ne me verrai pas habiter. Cependant, je suis convaincu que c’est un pays formidable qui a énormément à apporter dans tous les domaines. La Corée est un petit surdoué dont l’émergence précoce et fulgurante étonne et fascine encore aujourd’hui. Les Coréens sont de grands enfants, fiers et susceptibles, mais pas moins attachants pour autant.  

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Vers la fin de mon périple, je réfléchis au prochain pays où je vais aller. Je me tâte et le choix est difficile. Vais-je aller en Thailande, au Cambodge ou au Laos ? Mais au gré de mes rencontres, soudain dans un bar, quelqu’un me parle de cette petite île paradisiaque qu’on nomme « Boracay » qui se trouve quelque part aux Philippines. J’aime bien la sonorité du nom et j’aime bien le fait de me dire que je peux aller où bon me semble car le fait d’avoir du temps est une des choses que j’apprécie le plus au monde. A mon retour à l’appartement, je prends mes  billets sans vraiment savoir où je me rends. Tant mieux, c’est exactement comme ça que j’imaginais mon tour du monde…


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