Avant d’aller plus loin, revenons brièvement sur le parcours du studio indépendant français. Basé en France et fondé en 2008 par Hervé Bonin, Aleksi Briclot, Alain Damasio, Oskar Guilbert et Jean-Maxime Moris, Dontnod est une équipe s’étant fait connaître principalement pour ses histoires d’aventure narrative. D’ailleurs la licence Life is Strange a connu un beau succès.
Depuis leurs débuts, les développeurs réalisent des jeux vidéo « AA » multiplateformes de genres populaires avec de l’Action pour Remember Me, du jeu de rôle avec Vampyr, ou encore l’Aventure Narrative avec Life is Strange. Petit à petit, Dontnod s’est construit une notoriété internationale, ils se sont entre autre associés à Capcom, Focus Home Interactive, Square Enix. Il y a aussi Bandai Namco (Twin Mirror sortant le 1er décembre de cette année) et Xbox Game Studios pour Tell Me Why, soft qui nous intéresse aujourd’hui et ayant été dévoilé officiellement lors du X019 à Londres le 14 novembre 2019.
Les retrouvailles
L’aventure de Tell Me Why prend place dix ans après un événement tragique : la mort d’une mère de famille, la dénommée Mary-Ann. Ses deux enfants, des jumeaux, ont été séparés lorsque Tyler a exprimé les souvenirs de ce douloureux moment. Tenu pour responsable, Tyler a ensuite vécu ces dix années dans un foyer d’accueil, loin de sa sœur Alyson. Depuis il s’est passé beaucoup de choses dans sa vie. Assigné femme à la naissance et y ayant réfléchi depuis déjà très longtemps avant les événements, Tyler a opéré un changement profond sur sa personne en effectuant une transition afin de devenir un homme, comme l’était son souhait déjà enfant. Aujourd’hui, soit dix ans après, c’est le moment des retrouvailles entre le frère et la sœur avec pour objectif la vente de leur maison d’enfance.
Sans aller plus loin dans l’élaboration de la trame scénaristique, on peut dire que Dontnod maîtrise son sujet grâce à un scénario intéressant et bien écrit, possédant même plusieurs cliffhangers. Le duo, chacun ayant son petit caractère, est attachant et l’on remarque bien leur complicité au fil de l’aventure. Chose plus rare, de lourds thèmes sont abordés comme la santé mentale, le deuil ou encore la transidentité représentée par le personnage transgenre de Tyler.
Et même si des craintes pouvaient se faire ressentir sur des thématiques comme celles-ci, il n’en est rien. L’équipe de Dontnod, soucieuse de bien faire et ne de pas tomber dans les caricatures et les clichés, s’est entourée de spécialistes et d’experts de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation, une association de défense des LGBTQ) dont Nick Adams, directeur de la représentation transgenre. De même, August Aiden Black (doubleur VO de Tyler), lui-même transgenre, n’a pas hésité à exprimer son opinion aux auteurs, comme demandé par eux-mêmes, afin que le personnage soit le plus authentique possible. Grâce à tout cela, rien ne tombe dans l’excès, tout a été réalisé avec bienveillance et respect, ce qui accentue le réalisme dans les situations plus ou moins difficiles à vivre.
Une place importante pour la contemplation
Cependant étant face à un « jeu vidéo », certain(e)s pourront tout de même regretter que la narration prenne parfois trop son temps, et que l’aventure soit finalement un peu trop contemplative. Encore une fois, Dontnod réalise une bonne expérience narrative mais en étant plus intimiste, il fallait aussi que l’interactivité et les mécaniques liées au gameplay typique des jeux vidéo ne soient pas superflues. Souhaitant raconter une histoire, l’œuvre est forcément dirigiste, même si l’on dirige Alyson et Tyler tour à tour.
Pour sa partie gameplay, on reprend donc le système déjà mis en place par l’équipe (type Point’n Click). Les différents lieux/tableaux que l’on traverse sont l’occasion d’en apprendre plus sur les protagonistes et certains moments de leur vie en fonction des interactions opérées avec les éléments du décor. Effectivement, si l’on en apprend beaucoup par les dialogues, les livres et lettres disséminés çà et là sont également une grande source d’information.
Comme l’ouvrage du livre des contes que les protagonistes avaient en leur possession lorsqu’ils étaient enfants. À l’intérieur, on y trouve des histoires illustrées qui sont en réalité bien plus que cela, il ne faut surtout pas hésiter à les lire afin de pouvoir progresser face aux différents puzzles du jeu.
En plus de cela, Dontnod reprend aussi son système de choix de réponses durant les dialogues. Mais malheureusement même s’il est possible de choisir ou d’ignorer simplement son interlocuteur, il n’y a pas de gros impacts sur le déroulement de l’aventure. Par ailleurs, un lien de connexion entre les jumeaux a été implémenté sous une feature nommée « la Voix ». Concrètement, grâce à cela Alyson et Tyler sont capables de communiquer par la pensée et d’amener une touche supplémentaire durant les dialogues et les choix susmentionnés.
Alors même si cette feature reste intéressante, on regrette tout de même qu’elle n’ait pas été exploitée davantage lors des souvenirs liés au protagoniste. En l’état, certains souvenirs se matérialiseront sous les yeux du duo, et ce sera à nous de choisir quelle situation nous semble la plus « crédible », en résulte ensuite un rapprochement ou un éloignement entre les jumeaux.
Une ambiance graphique et sonore pour une meilleure immersion
Parlons à présent de l’enrobage tant sonore que graphique. Nous vous le disions dans nos tests des précédentes œuvres du studio, « les paysages à la fois détaillés et joliment colorés flattent le regard et vous mettront à ‘l’arrêt’ quelques secondes voire quelques minutes », et Tell Me Why ne fait pas exception. La patte déployée est encore plus agréable, le choix des couleurs, le soin apporté et les effets contrastés de lumière permettent de plonger dans une belle ambiance traduite par de beaux paysages. On pourra tout de même regretter que certaines expressions faciales soient un peu, disons « figées ».
Si Tell Me Why arrive à proposer un univers intéressant, le choix des musiques est d’une grande importance pour une œuvre narrative comme celle-ci. Clairement, là encore il n’y a pas de fausses notes sur les thèmes musicaux même chantés. Enfin les doublages anglais sont également de bonne facture. Point non négligeable à souligner, la VO s’accompagne depuis peu de choix supplémentaires afin d’opter pour une version française intégrale par exemple.
Testé sur Xbox One X