Aidan Pearce est une espèce de hacker qui commet des petits larcins à droite et à gauche en utilisant les nouvelles technologies et la connectivité. Seulement, ses activités attirent un peu trop l’attention, et un mystérieux commanditaire envoie un gros bras pour « lui faire peur ». Mais l’objectif est largement dépassé, puisqu’Aidan perd sa nièce dans l’action. Un an plus tard, l’heure est pour lui venue de se venger.
Bon, la vengeance du type dont on a tué la nièce… Pourquoi pas ? Bien sûr, l’enjeu est là, une petite fille morte, certes, mais de base il y a un léger décalage : qu’on le veuille ou non, et même si la riposte est disproportionné, Aidan nous est présenté comme un malfaiteur, qui quelque part a un peu cherché ce qui lui arrive. On ne joue pas à ce genre de choses sans risquer des conséquences. Et au-delà de tout ça, si on compte le nombre de jeux ou de films qui nous est servi ce plat-là…
En revanche, l’exposition est plutôt réussie, voire assez enthousiasmante, puisqu’on voit rapidement les premières possibilités : piratage des objets numériques et des infrastructures routières, blackout, neutralisations musclées, et un jeu online intégré qui vous oppose à d’autres joueurs qui veulent vous pirater ou vous battre dans une course. Tout cela part donc très bien, et même si la maniabilité n’est pas très souple, et même un peu lourdingue dans les menus, on s’adapte assez vite, y compris aux véhicules qui même s’ils dérapent pour un rien sont assez réactifs.
Seulement, tout ce joli décor est assez rapidement terni.
D’abord, l’installation, pour la version PC, est un vrai cauchemar : crash, bugs, drivers dédiés sortis par les éditeurs de cartes graphiques, Ubi a annoncé en catastrophe un patch massif, mais il reste que le jeu est vraiment mal optimisé, et c’est peu de le dire, car même s’il est plutôt agréable à regarder sur next-gen et encore plus sur PC, c’est un dévoreur de ressources comme on en a rarement vu. Il vous faudra une machine de guerre absolue pour espérer chatouiller le niveau de qualité maximal, et même comme ça… Le souci, c’est que cela ne se voit pas à l’écran, et qu’on se demande bien comment le jeu peut être aussi exigeant : c’est bien joli à regarder, mais pas à ce point. Précisons à cet égard qu’on est loin de la baffe vendue il y a deux ans, mais le pire, c’est qu’elle est présente sur la galette PC mais seulement accessible via un mod d’un joueur, qu’Ubi déconseille car il rendrait le jeu trop instable. Autrement dit, le jeu était sublime comme on pouvait l’espérer, mais Ubi n’a pas pris le temps de l’optimiser. Chapeau. Et je ne vous parle pas du FPS piteux ou des détails techniques bien tristes…
Alors, évidemment, tout cela est balayé assez rapidement, si l’on mesure le pouvoir qu’Aidan, et donc le joueur, a entre les mains. Se connecter à TOUT appareil numérique. Les premiers instants sont grisants : on pirate des conversations (je n’ose imaginer les heures d’enregistrement, le jeu étant en plus totalement localisé), des comptes en banque, des feux de signalisation, des playlists, absolument tout. Seulement là aussi, ce n’est pas creusé : on n’est tout de même davantage spectateur qu’acteur. Alors bien sûr, parfois, à la Minority Report, vous débusquerez un crime potentiel qu’il conviendra d’empêcher, mais tout cela reste marginal (et assez idiot puisqu’empêcher le crime sans capturer le criminel est consideré comme un échec total, ce qui doit laisser la victime pantoise).
Quant à Aidan lui-même, il est également assez terne : partant du principe du vigilante à la Bronson, on espérait un anti-héros dur, âpre, conscient de ses vices. Et à l’arrivée, on a un personnage tellement politiquement correct qu’on a l’impression de faire face à un robinet d’eau tiède, d’autant que le charisme du bonhomme laisse franchement à désirer. C’est dommage, parce qu’il y avait de belles interrogations à soulever : comment vit-il d’être responsable de son propre drame ? Comment gère-t-il avec son éthique, lui qui par moments veut être un grand héros et à d’autres se comporte comme un sale couard ? Là encore, un travail mal fini, et l’on finit par se demander pourquoi le jeu a été reporté si longtemps, ou alors dans quel état il était au préalable.
C’est d’autant plus regrettable que le scénario en soi manifeste quelques rebondissements amusants, et des personnages secondaires qui pimentent un peu l’ensemble, ce qu’Aidan ne contribue en rien à faire.
Quant au jeu en lui-même, il offre tout de même quelques beaux moments : d’abord, Chicago est plutôt réussie et offre un bel écrin à un jeu de ce genre. Ensuite, il faut bien admettre que les premières intrusions, en piratant de caméra en caméra sans jamais entrer soi-même (ce qui en soi est techniquement à peu près impossible à l’échelle où le fait Aidan mais passons), avec un petit côté Deus Ex / Matrix / Le Cobaye (entourez ce que vous préférez) fait son petit effet, quitte à bouffer à tous les râteliers. Et l’IA a une certaine vie : des conversations, des saynètes, des passants qui n’hésitent pas à vous photographier ou à appeler les flics quand vous leur piquez leur bagnole, tout ça est plutôt réussi (ceci d’autant plus que la police peut être particulièrement pénible).
D’ailleurs, votre comportement a un impact sur le jeu et les bonus débloqués, mais un impact très limité encore que dans l’excellent et injustement méconnu Sleeping Dogs.
C’est d’ailleurs cette impression qui revient tout le temps : l’impression de jouer à GTA. J’en profite d’ailleurs pour pointer du doigt les joueurs qui brocardent ce jeu et pas GTA : c’est la même chose ! Le côté putassier de GTA en moins, aspect sur lequel je ne reviens pas, avec moins de possibilités mais une originalité lié à ce concept de science-fiction, je ne comprends pas comment les mêmes qui portent aux nues GTA peuvent descendre ainsi Watch Dogs. Selon moi, les deux se valent, et qui adore l’un adorera l’autre (attention toutefois, le WiFi remplace les bimbos à grosses poitrines).
En gros, tous les canons du genre sont là : monde ouvert, véhicules, missions annexes (pas très variées ni toutes réussies cela dit mais plutôt originales), points de compétence liés à ces missions annexes (qui poussera les hardcore à TOUT débloquer), des secteurs à débloquer à la Assassin’s Creed, le jeu connaît ses classiques et les récite sans génie particulier mais sans médiocrité (ce n’est déjà pas mal).
Reste donc l’aspect Deus Ex, sur lequel il est temps de revenir.
Le coeur du gameplay, c’est le téléphone, le Profiler, qui vous permet tout et n’importe quoi. Intuitif, l’outil est intéressant, en ce qu’il ouvre de nombreuses possibilités et contribue à enrichir le monde, et même si le ciblage n’est pas toujours optimal, cela fonctionne bien. Là encore, le fait qu’Aiden pique les données des autres, même en se greffant à un réseau qui fait de même, ne pousse pas notre héros à se poser de questions, et c’est dommage. Il n’est pas badass, mais pas vertueux non plus. Il est gris. Dans le sens presque transparent.
C’est en voiture, en revanche, que l’ensemble prend tout son sel : les poursuivants sont souvent des brutes épaisses, et le mot est faible. Grâce à votre outil, vous pourrez leur tendre des pièges, provoquer des cartons, lever des bornes, vous ouvrir des accès, etc, et une fois semés, vous n’aurez plus qu’à vous cacher dans une ruelle, vous allonger sur le canapé et attendre que l’orage passe. Attention cependant, la police notamment est maline et vous cherchera parfois. Cet aspect à la Drive, où y aller comme un gros bourrin ne suffit pas, est en revanche une vraie réussite et une excellente piste pour d’autres jeux du même genre.
Nous y revenons aussi, la possibilité de pouvoir finir une mission sans jamais entrer physiquement dans les lieux périlleux est très réjouissante, même si hélas le jeu manque cruellement de difficulté et ne mettra pas souvent vos talents de tacticien à rude épreuve.
Mention spéciale au blackout, aka l’arme absolue, qui plonge la zone dans le noir, vous transformant derechef en prédateur avec une grosse matraque. Ce n’est pas sale.
L’IA, quant à elle, est plutôt meilleure que dans d’autres jeux du genre. Bien sûr, parfois, ils vous ignorent superbement, mais si vous les menez trop en bourrique, les PNJ vont vous traquer, et ils le font plutôt bien. Vous pouvez y aller à la Rambo, mais il ne faudra pas oublier que Aiden tient plus de Patrick Dupont que de Stallone. C’est là, entre autres, qu’intervient le Focus, autrement dit le Bullet Time mais le nom était déjà pris.
Dommage du coup que les missions ne soient pas plus variées (sans parler des minis-jeux ratés) car la relative liberté offerte par le titre est plaisante, même si on ne la retrouve pas assez dans les missions principales qui sont trop dirigistes.
Reste enfin le online. Bien intégré au solo, il est réussi. MAIS. Car il y a un mais. N’espérez même pas vous y atteler au début, car le jeu n’a pas de système de MMR, et vous tomberez donc sur des joueurs blindés de compétence qui auront tôt fait de vous piétiner sans tendresse, vous faisant perdre des points de réputation précieux pour obtenir des bonus. Oui, on peut perdre beaucoup de points même en jouant contre beaucoup plus fort que soi. Juste dommage, donc bon à savoir.
A noter en revanche du crossplay avec les tablettes, franchement marrant, dans lequel le joueur sur tablette dirige la police pour arrêter le joueur. Vraiment bien vu et très original, le seul mode qui m’ait coûté plusieurs heures…
Testé sur une version PC