On connaît tous From Software (enfin c’est relatif) pour leurs différents titres exigeants qu’ils ont conçus : les Souls (Demon’s Souls et Dark Souls), Bloodborne, et plus proche de nous, le jeu d’Aventure Déraciné pour le casque VR de Sony.
C’est lors des Games Awards 2017 que Sekiro – Shadows Die Twice a été présenté, ou du moins teasé, il aura fallu attendre la conférence E3 de Xbox Games Studio (Microsoft) de l’année dernière pour découvrir pleinement le soft de From Software, et soyons franc, il a tout de suite capté notre intérêt. On peut le dire, on n’est absolument pas déçu du jeu, c’est tout l’inverse, notamment par son histoire avec son héros qui n’est pas muet contrairement aux Souls.
Les codes de l’honneur
Au Japon, durant les derniers jours de l’ère Sengoku, les conflits étaient nombreux et sans fin, la guerre avait éclaté partout. Mais cette lutte sanglante avait été provoquée par un coup d’État d’Isshin Ashina, le maître épéiste, pour s’emparer du pays. Pour cela il mena cet affrontement d’une main de maître, éliminant tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin comme le général Tamura. Ainsi en lui ôtant la vie, il put s’emparer du pays.
Une fois la guerre terminée, sur le champ de bataille, un individu rencontra un jeune garçon qu’il surnomma Loup, et le prit sous son aile. Il lui apprit tous les rudiments des Shinobis. En grandissant et en s’entraînant, Loup (alias Sekiro), devint maître shinobi, connaissant tous les codes de ces ninjas. Loup devait loyauté absolue envers son père adoptif, mais aussi, et surtout envers son maître Kuro, le jeune héritier divin.
Près de 20 ans sont passés depuis que Loup a été recueilli durant le coup d’État d’Isshin, mais le clan Ashina était sur le point de s’effondrer. Loup avait tout perdu, son père adoptif, mais également Kuro, le garçon, qu’il avait juré de protéger, ce dernier ayant été enfermé dans la Tour de la Lune.
Depuis ce jour, Loup perdit l’envie de combattre, mais un jour, le maître shinobi reprit du poil de la bête, et décida d’aller sauver son maître. Après avoir réussi sa mission, et en repartant avec le jeune garçon, Loup se vit amputé de son bras par le Seigneur Genichiro, et Kuro fut de nouveau enlevé. Désormais, Loup était devenu un shinobi manchot. Malgré cela, il va tout faire pour retrouver son maître et laver son honneur.
Comme d’habitude avec les jeux From Software, les développeurs utilisent leur expérience pour mettre à l’honneur une atmosphère et une ambiance typiquement particulières. Avec Sekiro – Shadows Die Twice, cette période du Japon Féodal de l’ère Sengoku est habilement maîtrisée et l’on retrouve volontiers les mythes et légendes, sans oublier le folklore japonais que sont démons, ninjas et l’on en passe.
Par contre, et là on est face à un changement notable, l’axe narratif du fil rouge n’est pas « caché ». En effet si nous avions l’habitude avec les Souls d’une partie cryptique, en allant chercher les informations du lore dans les descriptifs, dans Sekiro – Shadows Die Twice, on a un personnage principal doué de parole, une chose assez rare dont les anciens jeux de From Software étaient dépourvus, ce qui permet à tout un chacun de suivre le fil principal scénaristique.
Grâce à cela, et aux personnages intéressants que l’on rencontre au fil du jeu, on se sent plus immergé à aider ce jeune maître Shinobi dans sa quête, même si de manière plus globale, le contexte reste plus basique. Toutefois que les amateurs(trices) du studio se rassurent, il y a bien des éléments (les environnements, etc…) qui permettent d’en apprendre plus sur le lore si l’on prend la peine de bien s’investir dans le titre.
Deux approches de jeu : Frontal ou Furtif
Pour son gameplay, le soft reste dans la lignée exigeante et punitive de ses prédécesseurs. Toutefois il ne faut pas s’arrêter à cela, Sekiro – Shadows Die Twice dispose de divers changements majeurs qui permettent une expérience enrichissante, jouissive, nerveuse et rapide; notamment à cause de la disparition de la jauge d’endurance présente dans la série Dark Souls,…
Si l’on avait l’habitude d’incarner un avatar que l’on pouvait moduler comme on voulait grâce à des choix de classes (sorcier, chasseur, etc…) dans les précédents jeux du studio; dans Sekiro – Shadows Die Twice, le rôle est prédéfini. Et comme vous le savez déjà, si vous avez lu notre précédent paragraphe, c’est un shinobi qui est mis à l’honneur avec les rudiments des codes ninja. Loup a tout d’un parfait ninja, il peut être aussi bien furtif, rapide, agile, tout en étant habile au combat, et ce grâce à la très bonne réactivité des commandes des diverses actions.
Dans ce terrain de jeu, il y a deux manières d’aborder les ennemis, soit les pourfendre avec un choc frontal afin d’enclencher un âpre combat, soit utiliser la furtivité en s’aidant du décor de l’environnement. En optant pour les chocs frontaux, la tension et l’adrénaline sont palpables à chaque affrontement. Il faut prendre son temps en permanence, bien observer les différents patterns ennemis, esquiver, tout en tentant de trouver la faille de son adversaire. Car un coup très mal placé peut très vite se retourner contre soi, et autant dire que face à des boss/mid-boss, si l’on fonce tête baissée, on ne fait pas vraiment long feu.
La disparition de la jauge d’endurance rend le jeu plus facile ?
On est d’accord, Sekiro – Shadows Die Twice, ce n’est pas Dark Souls, la jauge d’endurance ayant disparu, on pouvait s’attendre à quelque chose de plus simple. Et heureusement (ou malheureusement) pour certain(e)s, les développeurs ont su utiliser une autre ficelle afin de rendre le titre beaucoup plus nerveux et jouissif.
En effet à la place de la jauge, on se pare d’une jauge de stabilité, ou de posture si vous préférez. À chaque attaque reçue, la jauge se remplit, et à terme on peut tout simplement vaciller et prendre de mauvais coups. Mais le contraire est également possible, et ce d’autant plus qu’il faut prendre en considération la déviation (autrement dit la parade), et la contre-attaque, qui font toutes deux partie des éléments clés des combats.
Ces deux éléments font également monter la jauge de posture, que ce soit celle de notre maître shinobi, ou de ses adversaires. Nous sommes très vite pris au jeu d’attaquer, dévier, contre-attaquer, esquiver, dévier, contre-attaquer, esquiver, attaquer, dévier, prendre son temps pour se régénérer, et ce malgré les nombreux déboires que l’on a rencontrés, From Software oblige.
Pourtant, même avec la frustration des batailles perdues, on a ressenti une très grande satisfaction lorsque l’on a remporté un combat que l’on pensait perdu d’avance. Il faut dire qu’au début, une période d’adaptation est nécessaire, les commandes offensives et défensives étant principalement centrées sur les gâchettes, mais une fois maîtrisées on réalise vraiment des enchaînements vifs, rapides, intenses, et intéressants.
Même si Loup est un maître shinobi, il n’a pas forcément conscience de toutes les facultés envisageables qui l’entourent. Sans être aussi modulable de fond en comble que dans les JRPGs, on a tout de même un axe RPG avec la possibilité d’apprendre des techniques selon trois types ; les Arts du combat que l’on peut équiper, les compétences passives ou encore les Arts martiaux de shinobi acquis définitivement auprès d’arbres de compétences classiques mais efficaces et très utiles.
Au début, via un choix restreint, en s’orientant de la manière que l’on souhaite entre une attaque pour se défaire d’un encerclement (Taillade Tourbillon), ou un Contre Mikiri pour contrer des estocs et contre-attaquer; on a ensuite accès à de nouvelles possibilités, ce qui modifie également sa façon de combattre, et donc d’enrichir davantage les profondeurs du gameplay. L’aspect technique, et stratégique, s’en ressent beaucoup plus, surtout qu’une mort potentielle équivaut à une perte de monnaie et d’XP parfois significative, et un retour à la dernière idole de sculpteur (checkpoint).
Une prothèse exploitant les ficelles de gameplay
On vous l’a dit, Sekiro – Shadows Die Twice est aussi difficile que les Souls voire même beaucoup plus. D’ailleurs il existe une difficulté accrue cachée dans le soft, avis aux amateurs(trices) ! Bon, par contre on s’en doutait un peu en amont de l’expérience, mais il y a bien quelques soucis de caméra dans les lieux très exigus. Il faut apprendre à s’y faire, en tentant de s’éloigner de ces lieux si possible.
Si en mourant de manière classique, on perd une partie de Sen (monnaie du jeu) et d’XP, From Software a implémenté une fonctionnalité dite de résurrection. On peut ainsi revenir au combat avec la moitié de ses PVs pour tenter de venir à bout d’un ennemi dangereux, toutefois il y a une contrepartie à cela. Mourir une nouvelle fois revient à véritablement perdre des Sen et de l’expérience, sans la possibilité de récupérer les gains perdus sur les lieux de sa mort. Mais en plus, l’aide divine (le pourcentage de résurrection) diminue, ce qui se traduit par l’arrivée d’une maladie chez les PNJs.
Il existe aussi des aides complémentaires pour se battre. Si vous vous souvenez, on vous a dit que Loup était devenu manchot, mais grâce au « sculpteur », il a pu acquérir une prothèse de shinobi modulable. Cette dernière peut servir aussi bien pour les assauts offensifs que défensifs justement. Une subtilité de gameplay très intéressante qui ajoute encore du dynamisme.
Mais pour se servir des outils de shinobi (des facultés différentes), il faut les trouver aux quatre coins du monde; et bien chercher dans les alentours de ce Level Design bien pensé, et assez vaste pour varier les approches de jeu. Cette prothèse peut par exemple être modulée pour y acquérir des shurikens, ou encore un Tube pour projeter des flammes. Plusieurs choses sont possibles, et ces différents éléments sont également à améliorer. Mais il y a une fonction qui permet de se mouvoir encore plus vite : le grappin.
Très utile pour battre en retraite lorsque la situation l’exige, le grappin est également source d’un aspect beaucoup plus furtif. En se propulsant vers l’avant selon des endroits prédéfinis par un cercle (l’orientation de la caméra étant indispensable à certains moments selon certains axes); on peut prendre de la hauteur, s’accrocher à une corniche pour vaincre un ennemi, ou carrément lui tomber dessus. Et l’infiltration ne s’arrête pas là puisque l’on peut aussi se mouvoir dans les hautes herbes. Certes, c’est déjà connu, mais cela reste une bonne manière de se débarrasser de quelques gêneurs en silence, plutôt que d’avoir une troupe d’adversaires à ses trousses.
Une direction artistique magnifique
Il y aurait encore beaucoup à dire sur Sekiro – Shadows Die Twice, mais même si l’expérience est difficile à souhait, elle vaut tout de même le détour, que ce soit pour son gameplay, ou même son ambiance. D’ailleurs, intéressons-nous à cette dernière. Bien entendu, on ne retrouve pas un côté photoréaliste comme certains softs très récents, mais Sekiro dispose tout de même d’une identité visuelle très marquée; et ce grâce à une superbe direction artistique, que ce soit pour les environnements, ou pour le bestiaire beaucoup plus travaillé. Traverser une vallée, puis une forêt dans cette ambiance nippone fait son petit effet, et ce d’autant plus que le titre offre de très beaux panoramas. D’ailleurs comme le dernier The Legend of Zelda, c’est un grand plaisir que de pouvoir se rendre dans les lieux éloignés que l’on peut apercevoir au loin. Si l’on a subi quelques légers ralentissements au cours de notre aventure, le reste s’est déroulé sans accrocs avec un framerate stable, qui atteint parfois les « 60FPS » pour sublimer les panoramas.
En plus d’apporter une identité visuelle riche, les développeurs de From Software ont aussi bien équilibré les ombrages et les lumières, et les différents effets visuels; ceux-ci sont d’ailleurs encore plus beaux grâce à l’option HDR, option qui peut d’ailleurs être modulée sous plusieurs angles.
En ce qui concerne les sons et les bruitages, ils sont de très bonne facture avec, par exemple, le bruit des lames croisant le fer, de plus on a davantage de musicalité, toujours dans cette ambiance particulière nippone. Pour Sekiro, c’est Yuka Kitamura, ayant précédemment travaillé avec le grand Motoi Sakuraba-san, qui est à l’œuvre sur la bande-son. Cette compositrice déjà impliquée dans les précédentes productions du studio, c’est-à-dire les trois Dark Souls, Armored Core ou encore Déraciné, a créé des musiques très rythmées et continuellement en accord avec la culture nippone, on y retrouve notamment des sons d’instruments japonais traditionnels.
Pour finir, on a découvert également une VF (le jeu est en version française intégrale) d’une bonne intonation; cela fait toujours plaisir de jouer à un titre qui a bénéficié d’un soin tout particulier pour cette traduction (mention tout de même à la graine de gourde). Bien sûr, après avoir goûté aux voix japonaises, celles-ci étant encore plus dans le ton, un dilemme se posera se posera au moment de sélectionner le langage, dans tous les cas les puristes seront aux anges.
Testé sur Xbox One X